Éloge de la tempérance

Par Emelie Bernier 3:50 PM - 18 février 2020
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Ah, l’alcool… Qu’on l’aime ou pas, la dive bouteille ne laisse que très peu d’adultes, et d’ados, indifférents. Et qu’on le fasse ou pas, le Défi 28 jours sans alcool de la Fondation Jean Lapointe, qui s’invite dans notre mois de février par tous les pores des réseaux sociaux, peut difficilement être ignoré.

Je suis presque née au Mouton Noir. J’ai grandi et payé mes voyages en courant de la cuisine à la terrasse du Loup-Phoque. J’ai payé mes études et musclé mes biceps en servant des moules à volonté au Poisson d’Avril… Ces jolis noms sont ceux des restos menés tambour battant par mes parents au fil du temps. Tous avaient en commun un bar bien garni et des frigos au ventre plein. De là à dire que je suis tombée dans la marmite quand j’étais très très jeune, il n’y a qu’un pas, chancelant…

Les fonds de flûte de bulle à Noël, les milliers de bières décapsulées et de bouteilles de vin débouchées pour les milliers de clients au fil des ans, les gars chauds (vraiment plus souvent des gars, oui) à diriger poliment, mais fermement vers la sortie après le énième « last call », la ou plutôt les bières sur la plage avec les potes, le rapatriement des corps de ces mêmes potes ayant abusé de la ou plutôt des bières sur la plage, les quelques verres de « récompense » après les grosses soirées de service, les soirées un peu, beaucoup, passionnément, trop arrosées, les bonnes bouteilles millésimées pour souligner les moments marquants, les « neverending » apéros, les jeudredis, les mardredis, les mercredredis (tsé, quand tu ne sais plus quoi inventer pour justifier ton désir d’étancher ta soif avec autre chose que de l’eau un soir de semaine…) sont tous des jalons de mon histoire d’amour/haine avec l’alcool. Une histoire qui s’écrit encore et dont j’aspire à contrôler la trame narrative.

J’y parviens pas pire, sauf quand je perds le fil de l’histoire…Était-ce un lundredi?

J’aime boire. Et cet amour, comme celui des romans, rend parfois aveugle. Et sourd. Et fou.
D’où l’importance de prendre de la distance. Le Défi 28 jours me permet ça tout en donnant un répit à mon foie. Je pourrais m’y inscrire pour vrai, mais je ne crois pas au prêchi prêcha et mon petit côté rebelle haït ça quand il n’a pas l’impression que c’est lui qui commande. Bref, le défi est entre moi et moi.
Ce n’est donc pas grâce à moi, mais le Défi 28 jours demeure une belle grosse passe de « cash » pour la Fondation Jean Lapointe. L’an dernier, 11 216 participants et parrains ont permis à la Fondation de recueillir 512 011$. Et c’est tant mieux parce que la lutte contre la toxicomanie et les autres dépendances est une noble cause.

Vous ne faites pas le défi et vous trouvez que ça casse un peu le party quand la moitié des copains sont sur le Vi-no-ze-ro? Peut-être faut-il le voir autrement. À bien y penser, la profondeur des discussions est en général inversement proportionnelle au taux d’alcoolémie des convives. L’ivresse fait tourner les coins ronds et sauter du coq à l’âne en s’entortillant dans le fil des idées… Une gymnastique pas toujours très élégante. Heureusement, ou malheureusement, on ne s’en souvient pas toujours clairement le lendemain.

On oublie aussi que ça coûte cher, ces jus! J’ai fait le calcul. Disons que je bois 2 à 3 bouteilles de vin par semaine (hey, je partage avec la visite et mon chum, là), ça fait environ 45 $ x 4 semaines. On ajoute le petit « gin-to » du jeudredi, et celui du vendredi… Disons 40 $ par 2 semaines? O, tiens, j’avais oublié les spritz de cette soirée spéciale… Un prosecco par-ci, un « amermelade » par là… 50 $… Au bout du mois, si on ajoute quelques bières et deux, trois verres au resto ou au bar à tout ça, on arrive à la rondelette somme de 350 $ sans forcer!

Virez ça comme vous voulez, buvez ce qui vous tente et vous chante, mais ne perdez pas de vue ce slogan usé à la corde, mais néanmoins très juste : la modération a bien meilleur goût. Et je dirais même plus : la modération a bien meilleur coût!

Ce mois-ci, j’ai investi 350 $ dans une paire de ski : la carotte au bout du bâton de ma tempérance! À vous de trouver la vôtre!

 

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