Chronique: Un 6 janvier comme les autres

Par Brigitte Lavoie 4:00 PM - 8 janvier 2020
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Une femme a réussi à sauver ce koala avant qu’il entre dans les flammes.

En ce début de retour à la normale, je tergiverse un peu devant la page blanche. De quoi je pourrais bien vous parler en ce début d’année 2020… J’ai toujours un mal fou à trouver un sujet pour la chronique du 6 janvier, celle qui suit l’abondance et la légèreté du temps des Fêtes, et qui marque l’entrée en scène de la nouvelle année et le retour de la routine.

Pourtant je me suis levée tôt pour en finir avec le 6 janvier. Enfin, assez tôt. Mais c’est quelle heure, se lever tôt ? On pourrait statuer là-dessus en 2020, non ? Il y en a pour qui se lever à 7 h, un matin de la fin novembre et voir le soleil se pointer à l’est, c’est assez tôt pour mériter une publication Facebook. Toutefois, il y a des gens qui se lèvent à 4 h tous les matins de leur vie, ou presque, et ce ne sont pas des poules. La comédienne Anne Dorval fait ça. Des gars de la construction aussi. Pis ma moitié snooze à peine une fois son cadran à 4 h04 tous les jours de sa vie… À cause d’eux, nous sommes tous condamnés à nous lever tard, même à 6 h du matin. Ce sont eux, les lève-tôt.

Donc, disons que pour en finir avec le 6 janvier, je me suis levée tard assez tôt pour tenter de faire de mon 6 janvier une journée dont je serais fière et qui débuterait par la rédaction d’une chronique qui passerait à l’histoire pour un 6 janvier. Mais peine perdue. De toute façon, ce sera une journée perdue, je le sens. Le 6 janvier est toujours une journée perdue, ou plutôt, une journée où je suis perdue. C’est d’ailleurs pédago pour les enfants aujourd’hui, c’est tout dire puisque même les profs et les écoles ont besoin du lundi du retour des Fêtes pour transiter entre les vacances et la routine.

En fait, est-ce que quelque chose peut passer à l’histoire un lundi 6 janvier_? J’ai fait quelques recherches. Et me voilà bien embêtée puisque oui, il peut arriver qu’il se passe quelque chose d’important un 6 janvier. En 2013, c’était la fin d’un lock-out de 133 jours dans la Ligue nationale de hockey… En 2008, deux soldats de Valcartier perdaient la vie dans un accident près de Kandahar. En 1936, la première femme maire au pays a été élue à Webbwood en Ontario. Jeanne d’Arc est née le 6 janvier 1412. Tout comme Étienne Montgolfier, l’inventeur du ballon à air chaud, en 1745.

Et en 2020, le 6 janvier au moyen petit matin, c’est la grève à la SNCF en France (Société nationale des chemins de fer). Ce qui rend les déplacements difficiles, on s’en doute. Ça doit être tout un bordel, en fait… L’Australie brûle. On a chaud jusqu’ici pour eux. Si ce n’était pas si loin, on pourrait leur prêter nos avions CL-215.

Et en ce petit matin du 6 janvier, l’Iran ne décolère pas contre «l’Amérique» suite à l’assassinat du commandant Qasem Soleimani. Le président des États-Unis Donald Trump a répondu il y a quelques jours en tweetant le drapeau américain !?! Appelons ça poliment l’art de ne pas être un pompier. Le Canada est sur le qui-vive, s’inquiète pour ses troupes à l’étranger et utilise le mot «désescalade». Ce mot dit tout, mais existe-t-il vraiment ?

Bon, je m’arrache de mon lit, où il fait bon écrire en paix un 6 janvier, pour aller chercher mon dictionnaire Petit Robert. Oui, je sais, il y a Google et Wikipédia, mais rien ne vaut le Petit Robert quand l’heure est grave. Donc, selon le Petit Robert, le mot désescalade signifie
le «retour au calme après une escalade, dans les domaines militaire, diplomatique, social, etc.» Vraiment, les services linguistiques du gouvernement canadien sont quand même impressionnants, je trouve. J’aime quand ils m’apprennent à parler mon français. Donc, pour en revenir au mot désescalade, on peut aussi faire la désescalade d’une montagne en rappel. Le mot désescalade est un nom féminin, le verbe n’existe pas…

On peut donc escalader une montagne, mais on ne peut pas la désescalader… Il faut la dévaler, ou la descendre. C’est comme pour un feu. On peut l’éteindre, l’apaiser, l’étouffer ou le souffler, mais on ne peut pas le « désallumer». C’est quand même réconfortant, je trouve, un 6 janvier 2020, de savoir qu’il existe des choses que la langue française refuse d’annuler, comme si les mots avaient un devoir de souvenance. Le feu allumé brûle et consume jusqu’à ce qu’il soit éteint. Une escalade de gestes et de paroles diplomatiques apporte sa montagne de tensions, qu’on ne peut que souhaiter redescendre.

Mais la montagne a existé et reste une montagne. Et l’incendie a brûlé et laisse ses décombres.

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