J’aimerais qu’on me dise à quand. À quand, la fin de cette petite morsure de peur au creux du ventre quand un regard un peu torve nous frôle? À quand le féminin sacré qui ne se fait plus sacrer de volée? À quand l’égalité, la vraie, celle qui rend absurde le fait même d’en parler?
À quand la fin des féminicides? Taper le mot sur Google et l’horreur vous sautera au visage. Au moins 87 000 femmes ont été tuées de manière intentionnelle en 2017. 20 000 en Asie, 19 000 en Afrique, 8000 en Amérique et 3000 en Europe, selon un rapport de l’ONU. Le bilan 2019 s’annonce particulièrement tragique en France. Jusqu’ici, 115 femmes ont été assassinées par leur conjoint ou leur ex-conjoint. L’an dernier, le funeste décompte s’est arrêté à 121.
2019 avait mal commencé. Le 6 janvier, 3 femmes périssaient sous les coups. Monica, 29 ans, poignardée à mort par son conjoint qui l’accuse de la tromper. Pascale, 56 ans, tuée par balle par son mari pendant une chicane. Taïna, 20 ans, à coups de « crow bar », par son chum qu’elle venait de laisser et qui a dompé son corps sous un pont…
Comment peut-on en venir là? Il y a clairement un mépris de la vie, exacerbé par le genre!
Il y celles qui meurent, et les autres. Meurtries, défigurées à l’acide ou transformées en torche humaine en pleine rue Limouloise, déflaboxées par les coups et les coups bas, la violence physique ou psychologique, la manipulation…
À quand la fin des disparitions dont les dossiers s’échouent bien trop vite sur les tablettes?
Menée durant 2 ans, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a été l’occasion de se pencher, enfin, sur des milliers de meurtres et de disparitions de femmes, des filles et de personnes 2ELGBTQQIA des Premières nations. 1000 pages de rapport plus tard, on a mis un mot sans équivoque sur ceux-ci. Génocide canadien.
On pourrait ajouter féminin, mais ce serait négliger les “2 esprits”, lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers, en questionnement, intersexes et asexuels qui sont trop eux aussi souvent victimes de cette violence dirigée et dérangée.
À quand la fin de la sélection pas naturelle des garçons aux dépens des filles? Durant le premier trimestre de l’année, sur les 216 naissances enregistrées dans 132 villages du district indien d’Uttarkashi, on ne dénombrait aucune fille. Zéro. Nada. Niet. On appelle ça la détermination prénatale du sexe avec avortements sélectifs des fœtus féminins. C’est loin de chez nous, mais on vit tous sur la même planète!
Et dites-moi, qui va les porter, vos bébés, quand il n’y aura plus d’utérus dans vos communautés?À quand une parité sans compromis, pas de pacotille juste pour faire joli?
Ces temps-ci, on porte le ruban blanc à la boutonnière. Un petit bout de tissu léger comme une plume, mais qui porte le poids d’une brique. Les 12 jours d’action contre la violence faite aux femmes se termineront le 6 décembre.
Comme chaque année depuis l’an de disgrâce 1989, le 6 décembre marquera le triste anniversaire du féminicide de l’École polytechnique. 14 belles filles brillantes n’ont pas vu le soleil se lever le lendemain de ce drame qui résonne encore douloureusement. (À ce sujet, il faut lire l’entrevue hautement lacrymogène de Rima Elkouri avec l’enseignant Yves Bouchard dans La Presse+. Ça fait mal jusqu’au creux des os…).
Ce jour maudit est devenu depuis la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. Ça fera 30 ans dans quelques jours qu’un Marc Lépine halluciné et organisé a semé le chaos dans une école pour les bolles, une école d’ingénieur.e.s. et d’ingénieux.ses à haut potentiel, de cette race dont nous avons absolument besoin pour faire face aux défis de demain. Et v’là que l’autre gnochon est venu comme ça tirer dans le tas. Un « tas » préalablement divisé par genre, évidemment.
Oui, les 12 jours d’action contre la violence faite aux femmes se termineront le 6 décembre, mais la violence, elle, ne cessera pas comme par magie le 6 décembre. Il n’en tient qu’à nous à contribuer, à notre échelle, chaque jour, à son éradication. En n’en laissant plus passer. En éduquant nos gars. En célébrant le chaque jour le féminin sacré.
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