Un ange gardien pour les aînés

Par Brigitte Lavoie 3:56 PM - 12 novembre 2019
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Frédérique Bouchard et deux de ses jeunes amies.

Vieillir est irrévocable et concerne tout le monde. Mais nos vies pressées poussent souvent les aînés dans l’ombre. Et c’est là que s’active Frédérique Bouchard. Cette jeune travailleuse de milieu, c’est l’amie qui vous veut du bien… surtout si vous avez des cheveux gris et le besoin de jaser!

Il y a de ces personnes que l’on croise et qui vous font reprendre confiance en l’humanité. Frédérique Bouchard est l’une d’entre elles. Elle a 22 ans et un travail surprenant. Je trouve. Parce qu’elle est toute jeune, et s’intéresse aux vieux. Il me semble que ce n’est pas courant. Diplômée en Éducation spécialisée du Centre d’études collégiales en Charlevoix depuis 2017, la jeune femme admet que les aînés n’ont pas toujours fait partie de ses plans de carrière.

« Pendant mes études, on a touché à toutes les clientèles telles que les enfants, les adultes ou les personnes handicapées. On a eu des cours en gérontologie, et je ne peux pas dire que ça m’avait accrochée. En fait, je crois que ça m’effrayait un peu, les personnes âgées. Mais pendant un stage au Centre-Femmes aux Plurielles, j’ai côtoyé beaucoup de retraités. Aujourd’hui, ce que je peux dire, c’est que j’ai appris à les connaître et que j’adore les aînés. »

Depuis deux ans donc, Frédérique va aux soirées dansantes de la Fadoq et visite assidûment les résidences pour personnes âgées. Et des photos de son visage se retrouvent sur des frigos et des lingettes à lunette. La jeune amie des aînés est en fait travailleuse de milieu pour les 55 ans
et plus.

L’Association bénévole de Charlevoix a obtenu en 2016 une aide financière dans le cadre d’un projet pilote du Secrétariat aux aînés et peut depuis miser sur cette précieuse ressource dans Charlevoix-Est. Ici, il faut saluer la volonté de la ministre Marguerite Blais, connue pour sa sensibilité à l’égard des personnes âgées, qui a reconduit ce programme.

« Je travaille surtout avec les personnes âgées de 70 ans et plus, car c’est elles qui ont le plus de besoins ou qui sont les plus vulnérables. Je vais les rencontrer dans leur milieu de vie, ou dans leurs activités, je leur rends visite à la maison. On pense que la vie des aînés est facile, mais ils vivent beaucoup d’isolement. Beaucoup plus que l’on pense. Dans certains cas, je suis la seule visite qu’ils ont. »

Dans la relation de confiance qui s’établit entre Frédérique et ses vieux amis, il y a beaucoup d’humour et de jasette, mais aussi une multitude de petits coups  de pouce pour dénouer des situations problématiques et leur donner accès aux services comme la popote roulante ou le transport.

« Je connais les ressources disponibles, alors je fais le lien. Je les accompagne et je les guide dans les démarches. J’encourage leur pouvoir d’agir », explique celle qui constate du coup les limites du système ou des services offerts.

Par exemple, le service infosocial de la ligne 811 est plutôt lourd à utiliser. Tout comme le transport collectif. « Partir à 8 h de chez toi et revenir à midi pour une activité qui se déroule entre 9 h et 10h30, ça les décourage. » D’ailleurs, l’un des deuils les plus difficiles à vivre lorsqu’on vieillit est la perte du permis de conduire. Adieu autonomie.

« Je suis aussi quelqu’un avec qui ils peuvent parler », précise Frédérique. « Il y a des aînés qui sont anxieux et parler leur fait du bien. D’autres vivent de l’insécurité. Il y a aussi de la  maltraitance puisque certains subissent des menaces  verbales ou du chantage. Quand ton fils prend ta carte de crédit et dépense ton argent, c’est de la maltraitance et c’est inacceptable. » Là encore, du support et de l’aide existent et Frédérique sait où les trouver. Un
ange gardien, ça doit aussi ressembler à ça.

Dans la vie d’aujourd’hui qui file à toute vitesse, accompagner un aîné et déjouer avec lui les tentacules de l’isolement et lui  obtenir des services exigent de l’écoute, de la bienveillance et du temps.

Les proches aidants pourraient nous en parler longuement. Mais avoir un ou plusieurs aînés dans sa vie, c’est aussi entretenir des relations extrêmement riches.

« Personnellement, je les adore », confirme Frédérique. « Ils ont tellement à nous apporter. Ils ont connu un mode de vie différent du nôtre. Je trouve que les fréquenter porte à réfléchir et à avoir une autre vision de la vie. Et ils sont ouverts à apprendre, ils s’intéressent aux nouvelles choses. On peut leur apporter autant qu’eux nous apportent, en fait. »

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