Caroline Filion de Baie-Saint-Paul, première ceinture noire de judo trisomique au Canada
Caroline Filion reçoit sa ceinture noire. très émotive à ce moment, on pouvait l'entendre murmure à sa professeure de judo "Je suis tellement fière!
Caroline Filion de Baie-Saint-Paul est la première personne atteinte de trisomie à obtenir sa ceinture noire de judo. Un exploit qui va faire tomber des tabous et risque d’avoir des répercussions dans tout le pays.
Le samedi 18 mai en après-midi, on pouvait entendre une mouche voler au dojo de Beauport, pourtant un des plus grands au Canada. Caroline Filion, 45 ans, exécutait les prises de judo demandées par les examinateurs avec force et assurance.
Le jury n’a pris que quelques minutes de délibération après l’examen pour lui décerner le grade tant convoité de ceinture noire. «Je suis très fier d’elle», commentait Jacques Côté, président de la commission des grades de judo Québec et examinateur principal après l’examen.
Caroline lors de l’annonce de la réussite de son examen.
Bien entendu, le test a été adapté à Caroline et pour cette raison, on parle de ceinture noire spéciale. Certains mouvements, impossibles à accomplir pour quelqu’un dans la condition de Caroline, ont été volontairement supprimés de l’examen.
Cependant, pour le président de la commission des grades, la mention spéciale fait surtout référence à l’accomplissement de la judoka. «C’est vraiment quelque chose d’extraordinaire ce qu’elle a réussi», s’exclame-t-il en entrevue.
Daniel Tabouret, fondateur du Club de judo de Beauport, Diane Amyot, Jacques Côté, président de la commission des grades de Judo Québec et Serge Sanfaçon, directeur du Club de judo de Beauport.
Serge Sanfaçon, directeur du dojo de Beauport et examinateur, fait une comparaison avec le hockey pour mieux illustrer l’exploit. «Quand tu tombes ceinture noire, c’est comme réussir à entrer dans la Ligue nationale! C’est beaucoup de travail, même pour une personne sans handicap. On ne décerne pas de ceintures noires de judo avant l’âge 16 ou 17 ans, sauf pour de très rares exceptions. Ça prend une dizaine d’années de travail au moins pour y arriver».
Caroline devait démontrer durant l’examen qu’elle pouvait immobiliser un partenaire plus lourd qu’elle au sol.
Un rêve
L’histoire de ce passage de grade a commencé il y a un peu moins d’un an, alors que Diane Amyot, professeure de judo de Caroline, apprend que le plus grand rêve à vie de son élève est d’obtenir sa ceinture noire. Il n’en faut pas plus pour que Mme Amyot, aidée de quelques membres du club, dont Nancy Girard et Denis Vézina, décide de se mettre à l’œuvre pour préparer techniquement son élève à réussir le test. Cependant, le plus difficile restait à venir. Un plus difficile… administratif!
Depuis le mois de janvier de cette année, Mmes Amyot et Girard ont multiplié les lettres à la commission des grades de Judo Québec pour demander une autorisation spéciale pour que Caroline puisse tenter sa chance à l’examen de ceinture noire. Toutes les réponses furent polies, mais négatives. Toutes sauf la dernière, reçue… la journée précédant l’examen. «Nous l’avons fait quand même parce qu’on y croyait», explique Diane Amyot.
Même un des amis de Mme Amyot, Daniel Tabouret, fondateur du dojo de Beauport et personnage connu du monde du judo au Québec, a dû y mettre du sien. «J’ai dû passer deux ou trois coups de fil à des personnes influentes pour aider à concrétiser le projet», confie-t-il.
La glace est brisée
Le samedi 18 mai est donc désormais une date à souligner pour les personnes handicapées au Québec. Un grand pas vient d’être franchi. «Le judo, comme beaucoup d’autres sports, est devenu une façon d’intégrer les gens qui ont des particularités», affirmait Daniel Tabouret.
Mais pour les membres du conseil d’administration du club de judo de Baie-Saint-Paul, le combat pour l’intégration des personnes handicapées est loin d’être terminé. «On veut qu’il y ait d’autres gens qui acceptent de faire des démarches comme celles que l’on a faites, mais dans d’autres clubs de judo ou dans d’autres sports, parce que des Caroline, il y en a plein», affirme Mme Girard.
Même Jacques Côté, dont l’organisme a pris du temps à mettre l’épaule à la roue, veut porter la cause plus loin.
«On va avoir de bonnes discussions avec Judo Canada pour que la ceinture noire spéciale soit intégrée au syllabus national», a-t-il confié en terminant.
Des ajustements nécessaires
Cela fait déjà 12 ans que Caroline Filion est entrée dans le dojo de Diane Amyot à Baie-Saint-Paul. Cette dernière admet avoir dû ajuster quelque peu son enseignement pour permettre à son élève un peu spéciale de mieux se fondre dans le groupe. «Ç’a été difficile au début parce qu’elle ne connait pas sa force. Elle clouait ses adversaires de pratique au sol sans leur laisser la chance de pratiquer. Il a fallu lui faire comprendre que le judo est un sport dans lequel il faut permettre à l’autre de se développer si on veut nous-même être aidé», explique la professeure de judo de Caroline.
La plus grosse difficulté n’a pas été physique cependant. «Il a aussi fallu s’adapter à son temps de compréhension des techniques qui est plus long qu’une personne ordinaire. Alors, il fallait répéter souvent. Mais elle a fini par assimiler les prises et même à avoir du plaisir à pratiquer le judo», relate Diane Amyot.
Aujourd’hui, Caroline dit «tout aimer» de son sport, la technique comme les combats, même si cela n’a pas toujours été facile. «J’ai trouvé mon premier cours de judo vraiment difficile et j’ai failli abandonner quelquefois par après parce que c’était vraiment dur», confie la nouvelle ceinture noire de 45 ans.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les autres judokas, majoritairement des enfants et des adolescents, acceptaient cette judoka un peu spéciale. «Les élèves ont toujours été très respectueux envers elle. Il faut dire que le judo est un sport dans lequel on enseigne le respect», témoigne la professeure et directrice du club de judo.
Caroline avec les membres du CA et quelques judokas du club de judo Sakura de Baie-Saint-Paul
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