Israël Fortin: carburer à la curiosité

Par Émélie Bernier 3:38 PM - 21 mai 2019
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Israël Fortin avec ses filles Mila et Maeva et sa conjointe Jasmin (sans e!).

Israël Fortin a grandi à Saint-Urbain. Il y a fait son primaire et les 400 coups de sa jeunesse. Aujourd’hui âgé de 37 ans, il se souvient avoir envisagé la carrière de médecin durant ses études à la « poly » Saint-Aubin. «On est très jeune pour penser savoir ce qu’on veut faire en sortant du secondaire… J’avais pensé à un moment donné aller en médecine, mais en sciences pures au Centre d’études collégiales en Charlevoix, ce que je préférais, c’était les labos, faire des expériences… J’étais impliqué dans un projet de clonage, entre autres. C’était la recherche qui assouvissait le plus ma curiosité», raconte-t-il au téléphone en marchant d’un pas vif dans les rues de Montréal.
La curiosité, voilà un mot-clef dans la vie d’Israël.

« J’adorais l’épidémiologie, tout ce qui était microbe, contagion… J’aurais vraiment pu faire carrière là- dedans, mais une de mes profs, un jour, m’a suggéré d’aller voir ailleurs. “Trouve-toi un autre projet, explore quelque chose de différent à la maîtrise, et si après ça, tu es encore intéressé, reviens me voir”. Je remercie cette prof encore aujourd’hui», dit-il.

La voie humaine
C’est au centre de cancérologie de l’Hôtel Dieu de Québec que ce petit coup de pied au derrière salutaire l’a mené. « J’ai visité lors d’une journée portes ouvertes et ça a piqué ma curiosité donc je suis allé travailler là. Il y avait beaucoup de choses à faire dans l’avancement de la recherche contre le cancer, plein de nouvelles découvertes. Ça alliait une partie de ma personnalité qui s’intéressait au devenir humain et l’autre qui était passionnée par la recherche », indique celui qui a ainsi entrepris une maîtrise en biologie moléculaire du cancer. Ce qui peut sembler un long détour n’en était pas vraiment un, au final.

«On fait des choix dans notre vie et on ne sait toujours pas pourquoi on les fait, mais c’est en travaillant en labo que je me suis retrouvé à faire un peu d’introspection… J’avais plus de maturité et je me demandais : est-ce que c’est ce que je veux faire, être seul ou avec quelques collègues chercheurs, le nez collé à un microscope? »

Il a réalisé que le contact humain lui manquait. «J’aimais la recherche, mais est-ce que c’est la chose que j’adorerais le plus faire dans ma vie?» Pour trouver la réponse à cette délicate question, il a pris une pause. « Je suis parti en voyage sac au dos au Mexique durant deux mois. Je me suis dit, “peut-être que ce sera plus clair après ça”…», raconte le sympathique Charlevoisien. C’est là qu’il a eu l’appel de la médecine. « J’ai réalisé que ça pourrait me permettre de lier le contact humain intrinsèque à la profession et l’aspect recherche-développement qui me passionnait aussi ».
De retour sur les bancs d’école, Israël s’est retrouvé sur son X. «On a fait plein de stage, j’ai aimé beaucoup de spécialités. La gynécologie, la pédiatrie, l’oncologie… Je pense que c’est parce que ce sont des spécialités où tu vis des moments forts avec ton patient, tant joyeux que dramatiques parfois: l’accouchement avec la famille, la relation entre l’enfant et son médecin, un cancer, qui est un moment charnière dans une vie… », dit celui qui pratique à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont aujourd’hui.

Médecin plus ultra

En 2014, il est devenu officiellement médecin, métier qu’il pratique depuis 5 ans, dont une année à Vienne dans un centre international spécialisé dans le technique de curiethérapie, un de ses dadas (et il en a plusieurs!)
«La curiethérapie existe depuis les années 1900! Je me suis sur spécialisé dans ce domaine. On est à la fine pointe de la technologie et on peut maintenant insérer une source de radioactivité à l’intérieur d’une cavité naturelle ou créer une cavité pour introduire la substance très précisément à travers des aiguilles creuses d’où va émaner la radiation. Plus on s’éloigne de la source, moins la dose est forte donc on attaque vraiment où ça fait mal », explique-t-il, en adaptant son discours à son interlocutrice néophyte. Il ne le dira pas, mais une brève visite à Google permet de réaliser que ses recherches ont fait de lui une sommité dans son domaine, la radio-oncologie. « J’ai juste adapté des choses qui étaient déjà faites. C’est innovateur, mais ce n’est pas une invention de toute pièce. Au final, ça donne un traitement plus court qui permet d’allier les techniques et l’esthétique», résume-t-il, visiblement peu enclin à l’autoglorification.

En plus de sa pratique en médecine, où la recherche prend encore une place importante, ce papa de deux belles fillettes trouve le temps d’enseigner à l’université. « Je dis toujours à mes élèves, “je ne pense pas que vous êtes faits pour une seule spécialité, car plusieurs personnalités sont compatibles avec plusieurs spécialités, mais il faut trouver quelque chose qui vous fait vibrer!” »
Parmi les connaissances « extracurriculaires », mais néanmoins fondamentales, qu’il souhaite transmettre à ses élèves, la compassion, l’empathie et le respect du patient, cet expert du vécu, arrivent en tête de liste. Il travaille d’ailleurs à un programme intitulé Les Messagers de l’impossible qui mériterait à lui seul une chronique… (à suivre).

Le patient, expert du vécu

Israël Fortin considère que personne n’est mieux placé pour parler du cancer que les gens qui l’ont vécu. «Je crois fermement qu’en intégrant des super patients ressources qui ont vécu la maladie et qui ont des qualité supérieures de communicateurs dans le système de soins actuels, on pourrait améliorer la qualité de nos soins. Ils ont ce savoir expérientiel unique.»
Au sein d’une grande équipe qui partage cette vision, il travaille à l’intégration de ces éventuels patients-ressources, ou patients-partenaires. «C’est un des défis qui me stimulent ! On aimerait que ces ressources exceptionnelles puissent faire partie de notre équipe au même titre que les spécialistes, les infirmiers pivots, les médecins… Qu’ils rencontrent les patients qui doivent composer avec le diagnostic comme eux l’ont fait», explique-t-il, arrivé au bout de sa course.

Le p’tit gars de Saint-Urbain mène une vie chargée. Il revient toutefois à Saint-Urbain dès que le temps le permet. «J’ai eu la chance d’avoir dans ma vie une famille extraordinaire, des amis qui m’ont laissé aller. Peu importe d’où tu viens, de quel milieu tu viens, tout est possible. Il faut croire en soi! Souvent, on n’ose pas, on se dit “c’est pas à ma portée”, mais si une petite voix te le dit, vas-y malgré tous les obstacles que tu penses qu’il pourrait y avoir! S’il y a une petite chance, prends-la!» Il applique cette philosophie partout.

«C’est ce que je dis aussi à mes patients. Quand il y a une chance de guérir, des fois, la fenêtre est une bay window, des fois, c’est un tout petit carreau, mais c’est à vous de décider si vous sautez ou pas! Je crois en l’optimisme et l’espoir.»

Ministre de la Santé, ça ne piquerait pas ton insatiable curiosité, Israël?

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