Parce qu’on n’arrête pas le progrès

Par Brigitte Lavoie 12:00 PM - 24 avril 2019
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On n’arrête pas le progrès, n’en déplaise au gros bon sens.

Quelle fabuleuse époque que celle dans laquelle nous vivons. La preuve? Le progrès est partout, dans les petites comme les grandes choses. N’en déplaise au gros bon sens.

Ici, nos filles vont à l’école jusqu’à ce qu’elles décident que c’est assez, même si ce n’est pas fini. Nos enfants mangent trois repas par jour, mais optent pour le jeûne s’ils n’aiment pas le menu. Ils connaissent la définition du mot « végétalisme », mangent des croquettes boostées au sodium et dégustent du chocolat à en devenir vert en voulant croire au lapin, mais en roulant des yeux sur l’origine de Pâques.

Nous ne raccommodons plus nos chaussettes, même si on a le temps en écoutant la télé… Et nul besoin de démonter le grille-pain défectueux puisque le magasin nous revend à l’infini ce qui va briser et finir dans la poubelle.

Plus besoin d’attendre le train, puisqu’on a des voitures. Parlant voiture, nous devons désormais attacher nos enfants de 9 ans dans des sièges d’appoint. Dire qu’il y a encore des pays où on roule à sept passagers sous le nez de la police dans des voitures comptant cinq ceintures, à 120 km/h sur l’autoroute… Comme quoi le progrès choisit son monde.

Nous avons des agendas numériques qui nous disent quoi faire de nos journées et qui nous laissent désemparés quand ils tombent en panne. Nous prenons l’avion pour aller au sud, là où il y a le soleil. Là-bas, nous croisons des gens qui aimeraient venir au nord, là où il y a la neige.

Nous avons assez d’argent pour restaurer Notre-Dame-de-Paris, mais jamais assez de bonnes intentions pour en finir avec ce qui humainement est insoutenable. Le progrès aime que l’argent flash, c’est son petit côté narcissique.

Côté progrès, nous sommes assurément et infiniment bien pourvus. Nous achetons des bateaux des millions de dollars ailleurs dans le monde sans savoir qu’ils ne feront pas l’affaire pour traverser notre fleuve Saint-Laurent entre la Côte-Nord et la Gaspésie. L’hiver, le canot à glace est devenu un sport. D’autre part, nous avons aussi des chantiers maritimes qui doivent parfois mettre leurs travailleurs au chômage.

Nous avons toute une collection de nids dans des routes pavées qui n’ont pourtant rien à voir avec ceux des poules. S’ajoutent des trottoirs qui ont le même angle que la Tour de Pise ainsi que des bâtiments très laids qui ne veulent pas mourir et des bâtiments très vieux qui mériteraient de vivre.

Nous avons le luxe d’avoir des crues printanières, puisque ce genre de chose vient avec de belles rivières, et aussi des maisons construites en zone inondable. Compte tenu de cette réalité, le progrès veut que nous ayons des équipes de surveillance du niveau de l’eau et une inondation surprise dans le centre-ville de Saint-Georges un lundi matin.

Le progrès qui s’occupe de notre santé s’appelle un « système ». Les gens qui y oeuvrent et s’occupent des patients, puisque c’est le nom que le progrès donne aux humains qui reçoivent des soins, sont de vraies perles. Dans nos hôpitaux plutôt efficaces et appréciés se trouve notamment une Unité de naissance où il fait bon accueillir la vie. Mais le progrès étant ce qu’il est, il y a aussi des parents qui accueillent leur premier enfant dans leur voiture, en route vers la capitale…

Quelle fabuleuse époque que celle dans laquelle on vit, vous ne trouvez pas? Vraiment, on n’arrête pas le progrès, n’en déplaise au gros bon sens.

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