La pêche miraculeuse
Comme le veut la tradition, la pêche à fascine de l’Anse-au-Sac a été installée à la faveur des basses marées de la mi-avril. Si pour certains, comme Renel et Noël Gauthier, les gestes viennent presque tout seuls tant ils ont été répétés au fil des décennies, d’autres, comme Julie Gauthier, y prêtent une attention particulière, conscients qu’un jour, ceux pour qui la fascine n’a plus de secret n’auront peut-être plus la force de la planter dans le lit du fleuve!
Heureusement, à l’Anse-au-Sac, la suite du petit monde de la pêche à fascine est assurée. L’installation fastidieuse de ses « harts » entre lesquelles court un écheveau de filets aura nécessité 3 jours. Un labeur vite récompensé puisque dès le lendemain, la pêche était gorgée de capelans…
La structure demeurera en place pour les 6 prochains mois, comme l’explique Julie Gauthier qui reprend cette année les rênes de la pêche familiale. Elle détient désormais un des cinq derniers permis de pêche à fascine au Canada. « Si je ne le reprenais pas, ça se perdait et c’en était fini de la pêche à fascine à Saint-Irénée », lance-t-elle.
En plus de la fascine, les Gauthier pêchent à la senne avec un petit bateau dont le filet est déroulé en demie lune dans les eaux du fleuve. « Quand la pêche dans la fascine marche, on ne sort pas la nuit pour faire la senne. Mais parfois, pour en avoir un minimum, on va sortir avec la chaloupe pour remplir nos commandes», explique Julie Gauthier qui prélève la ressource en fonction des commandes de sa clientèle.
Mme Gauthier a décidé de se lancer en affaires sous le nom Pêcheries Charlevoix car en plus de vendre les prises fraîches du jour, fort convoitées, elle congèle les surplus sous vide, arrangés et portionnés. «C’est excellent, j’ai mangé du capelan tout l’hiver », dit-elle. L’anguille, la grande corégone et le hareng sont aussi en vente lorsque disponibles. Une partie du hareng qui se prend dans les filets est vendu frais, mais elle garde les plus gros spécimens pour la transformation (voir encadré).
Une denrée prisée
On vient de loin pour se procurer les petits poissons argentés cette année, car le seul autre détenteur de permis de la région, l’insulaire Robert Mailloux, n’a exceptionnellement pas pu tendre sa pêche pour des raisons de santé. Marcel Dufour, un solide octogénaire insulaire, a réservé ses poissons et n’a pas hésité à traverser pour venir L’Anse-au-Sac se procurer quelques sacs de capelans frais. Comme son père et son grand-père avant lui, il les mangera frits dans la poêle, sans les parer, « une perte de temps », selon son expression.
«Le capelan, c’est vraiment la vache à lait de Pêcheries Charlevoix, mais ça dépend toujours des années. Il y a deux ans, on a juste sorti une trentaine de sacs. L’an passé, ça été très bon et cette année, ça s’annonce bien, mais la garantie d’approvisionnement, on ne l’a pas », concède Julie Gauthier qui a tout de même choisi de se lancer. « C’est sûr que la garantie d’approvisionnement n’est pas, il y une part de risque », concède Julie. «C’est la nature qui mène!», philosophe son oncle Noël, du haut de ses 70 ans.
Il est possible de commander du poisson en visitant la page Facebook de Pêcheries Charlevoix ou en appelant au 418-808-4224 ou 418-452-3564.
Un coup de pouce pour la recherche
(EB) De marée en marée, plusieurs variétés s’empêtrent aussi dans la fascine, mais doivent être relâchées. « On prend parfois des saumons, des flétans… Il y a deux ans, on a attrapé 300 bars rayés dans la pêche. On relâche ces variétés car elles ne sont pas incluses dans nos permis. On en mesure, on récolte quelques spécimens pour Pêches et Océans Canada et le ministère des Ressources naturelles au Québec. Avec l’échantillonage, il y a des tests qui sont faits sur les poissons qu’on pêche, parce que c’est l’alimentation des bélugas, entre autres… », explique Julie Gauthier. En plus de préserver un important pan du patrimoine charlevoisien, la jeune femme soutient la recherche scientifique. « Pour moi, l’aspect patrimonial de la chose est vraiment important. J’aurais continué à faire ce que je faisais, mais si je ne reprenais pas la pêche, il n’y en avait plus! » raconte Julie Gauthier, qui était jusqu’ici horticultrice. Le logo de son entreprise Muscari cèdera bientôt la place à celui des Pêcheries Charlevoix sur les flancs de sa camionnette.
Hareng mariné charlevoisien
(EB) La propriétaire de Pêcheries Charlevoix voit grand pour son entreprise. L’an dernier, encore en phase de recherche et développement, Julie Gauthier a vendu ses premiers petits pots de hareng mariné et ils ont fait un tabac! « On vient de tendre la pêche, mais ça fait deux mois que je travaille sur mes permis. La transformation est complexe et je veux faire ça dans les règles de l’art » dit celle qui travaille avec une consultante. Un atelier de 30X30, une « bulle MAPAQ », sera construit dans la vieille grange familiale, un bâtiment historique qui sera aussi le seul endroit pour l’instant où on pourra se procurer les fameux petits pots. «Peut-être dans 5 ans, on trouvera mes produits dans les épiceries et les dépanneurs. Mais je veux y aller étape par étape, suivre la vague », conclut Julie Gauthier, enthousiaste.
Il est possible de commander du poisson en visitant la page Facebook de Pêcheries Charlevoix ou en appelant au 418 808 4224 ou 418 452 3564
À lire : notre reportage complet dans l’édition papier du 1er mai.