La tradition de la pêche à fascine se perpétue à Saint Irénée

Par Emelie Bernier 7:17 AM - 23 avril 2019
Temps de lecture :

Julie Gauthier. Archives

 

La pêche miraculeuse

Comme le veut la tradition, la pêche à fascine de l’Anse-au-Sac a été installée à la faveur des basses marées de la mi-avril. Si pour certains, comme Renel et Noël Gauthier, les gestes viennent presque tout seuls tant ils ont été répétés au fil des décennies, d’autres, comme Julie Gauthier, y prêtent une attention particulière, conscients qu’un jour, ceux pour qui la fascine n’a plus de secret n’auront peut-être plus la force de la planter dans le lit du fleuve!

Heureusement, à l’Anse-au-Sac, la suite du petit monde de la pêche à fascine est assurée.  L’installation fastidieuse de ses « harts » entre lesquelles court un écheveau de filets aura nécessité 3 jours. Un labeur vite récompensé puisque dès le lendemain, la pêche était gorgée de capelans…

Julie Gauthier avec son oncle Noël et son père Renel. Les deux hommes ne sont pas peu fiers de voir la tradition promise à une belle longévité grâce à cette relève audacieuse. «On l’accompagne là dedans, on a confiance, sinon on l’aurait pas fait! », dit son père.

La structure demeurera en place pour les 6 prochains mois, comme l’explique Julie Gauthier qui reprend cette année les rênes de la pêche familiale. Elle détient désormais un des cinq derniers permis de pêche à fascine au Canada. « Si je ne le reprenais pas, ça se perdait et c’en était fini de la pêche à fascine à Saint-Irénée », lance-t-elle.

Le téléphone sonne constamment et où que soit Julie, elle y répond! “Les gens attendent le capelan toute l’année, il y en a pour qui c’est presqu’une religion!”

En plus de la fascine, les Gauthier pêchent à la senne avec un petit bateau dont le filet est déroulé en demie lune dans les eaux du fleuve. « Quand la pêche dans la fascine marche, on ne sort pas la nuit pour faire la senne. Mais parfois, pour en avoir un minimum, on va sortir avec la chaloupe pour remplir nos commandes», explique Julie Gauthier qui prélève la ressource en fonction des commandes de sa clientèle.

Mme Gauthier a décidé de se lancer en affaires sous le nom Pêcheries Charlevoix car en plus de vendre les prises fraîches du jour, fort convoitées, elle congèle les surplus sous vide, arrangés et portionnés. «C’est excellent, j’ai mangé du capelan tout l’hiver », dit-elle. L’anguille, la grande corégone et le hareng sont aussi en vente lorsque disponibles.  Une partie du hareng qui se prend dans les filets est vendu frais, mais elle garde les plus gros spécimens pour la transformation (voir encadré).

Cette année, on vient même de L’Isle-aux-Coudres pour chercher les fameux petits poissons! Robert Mailloux, dernier titulaire d’un permis de pêche à fascine sur la petite île, n’a pas pu la tendre pour des raisons de santé. Marcel Dufour n’a donc pas hésité à traverser pour venir chercher ces petits poissons, un régal dont il ne peut se passer!

Une denrée prisée

On vient de loin pour se procurer les petits poissons argentés cette année, car le seul autre détenteur de permis de la région, l’insulaire Robert Mailloux, n’a exceptionnellement pas pu tendre sa pêche pour des raisons de santé.  Marcel Dufour, un solide octogénaire insulaire, a réservé ses poissons et n’a pas hésité à traverser pour venir L’Anse-au-Sac se procurer quelques sacs de capelans frais. Comme son père et son grand-père avant lui, il les mangera frits dans la poêle, sans les parer, « une perte de temps », selon son expression.

«Le capelan, c’est vraiment la vache à lait de Pêcheries Charlevoix, mais ça dépend toujours des années. Il y a deux ans, on a juste sorti une trentaine de sacs. L’an passé, ça été très bon et cette année, ça s’annonce bien, mais la garantie d’approvisionnement, on ne l’a pas », concède Julie Gauthier qui a tout de même choisi de se lancer. « C’est sûr que la garantie d’approvisionnement n’est pas, il y une part de risque », concède Julie. «C’est la nature qui mène!», philosophe son oncle Noël, du haut de ses 70 ans.

Il est possible de commander du poisson en visitant la page Facebook de Pêcheries Charlevoix ou en appelant au 418-808-4224 ou 418-452-3564.

 

Julie, bien entourée de ses précieuses aides, sa tante Mariette et sa mère Lise, toujours souriantes dans la petite cabane où les gourmands affluent pour acheter les petits poissons!

Un coup de pouce pour la recherche

(EB) De marée en marée, plusieurs variétés s’empêtrent aussi dans la fascine, mais doivent être relâchées. « On prend parfois des saumons, des flétans… Il y a deux ans, on a attrapé 300 bars rayés dans la pêche. On relâche ces variétés car elles ne sont pas incluses dans nos permis. On en mesure, on récolte quelques spécimens pour Pêches et Océans Canada et le ministère des Ressources naturelles au Québec. Avec l’échantillonage, il y a des tests qui sont faits sur les poissons qu’on pêche, parce que c’est l’alimentation des bélugas, entre autres… », explique Julie Gauthier. En plus de préserver un important pan du patrimoine charlevoisien, la jeune femme soutient la recherche scientifique. « Pour moi, l’aspect patrimonial de la chose est vraiment important. J’aurais continué à faire ce que je faisais, mais si je ne reprenais pas la pêche, il n’y en avait plus! » raconte Julie Gauthier, qui était jusqu’ici horticultrice. Le logo de son entreprise Muscari cèdera bientôt la place à celui des Pêcheries Charlevoix sur les flancs de sa camionnette.

La « cabane à bottes » est située à un jet de pierres de la fascine et a été bâti par le grand-père de Julie Gauthier. A l’époque, les pêcheurs y dormaient quand la marée « adonnait » en plein milieu de la nuit

 

Hareng mariné charlevoisien

(EB) La propriétaire de Pêcheries Charlevoix voit grand pour son entreprise.  L’an dernier, encore en phase de recherche et développement, Julie Gauthier a vendu ses premiers petits pots de hareng mariné et ils ont fait un tabac! « On vient de tendre la pêche, mais ça fait deux mois que je travaille sur mes permis. La transformation est complexe et je veux faire ça dans les règles de l’art » dit celle qui travaille avec une consultante. Un atelier de 30X30, une « bulle MAPAQ », sera construit dans la vieille grange familiale, un bâtiment historique qui sera aussi le seul endroit pour l’instant où on pourra se procurer les fameux petits pots. «Peut-être dans 5 ans, on trouvera mes produits dans les épiceries et les dépanneurs. Mais je veux y aller étape par étape, suivre la vague », conclut Julie Gauthier, enthousiaste.

 

Il est possible de commander du poisson en visitant la page Facebook de Pêcheries Charlevoix ou en appelant au 418 808 4224   ou 418 452 3564

À lire : notre reportage complet dans l’édition papier du 1er mai.

Partager cet article