Être enfant

Par Émélie Bernier 4:24 PM - 27 février 2019
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« L’enfance est le commencement de l’humanité », disait  Lacordaire. Est-ce qu’on interrompt la beauté de ce commencement si on la harnache à un banc d’école dès 4 ans? La question se pose…

L’enfance passe en coup de vent.  Un vent léger, doux, insouciant. Le temps de l’innocence. Quelque chose comme un lieu sacré à l’abri des devoirs. Une forêt enchantée tout juste à l’orée du monde semé de rigueurs et de règles des grands. Peut-être la seule part d’existence où la notion de rendement n’existe pas.

L’enfance apprend à se tenir toute seule, à marcher, en trébuchant parfois, et à se relever. Les apprentissages de l’enfance sont innombrables, mais auréolés de liberté, et au rythme de chacun.

Oui, les parents omnipotents ne sont jamais bien loin. Et quand ils n’y sont pas, il y a les  grands frères, les grandes sœurs, les grands-parents, les proches. Ou, le cas échéant, les éducatrices de la garderie, du CPE ou du service de garde.

L’enfance se déroule sous surveillance, bien sûr, et peu importe le modèle, les enfants apprennent à vivre dans un cadre aux contours de plus en plus définis. On apprend une règle de vie, on prend quelques millimètres, on en intègre une autre… La courbe des apprentissages colle à la courbe de croissance. Et tout ce temps, l’enfant ouvre ses ailes, se découvre en découvrant le monde à sa hauteur, en se cognant le nez sur le coin des murs ou en plongeant ce même petit nez dans les livres d’histoire, en apprivoisant l’autre avec qui il partage son monde. En jouant. L’enfance est un carré de sable.

Pourquoi est-on si pressé de rentrer nos enfants dans le moule de l’école? Quino, le père de Mafalda, disait « la vie ne devrait pas vous sortir de l’enfance sans vous assurer une bonne situation dans la jeunesse. »  Assure-t-on vraiment une bonne situation aux petits mousses de 4 ans qui entreront à l’école des grands dans un empressement qui tient presque de l’entêtement? 2020, c’est demain… Sera-t-on vraiment prêt à accueillir les petits Québécois adéquatement dans nos écoles?

Depuis cette annonce tambour battant de M. Legault et de ses petits amis à lui, c’est la panique à bord du Titanic pour les éducatrices des CPE, les responsables de services de garde et même les équipes-écoles qui se demandent bien comment tout ça va se déployer alors qu’on manque de profs, de suppléants, de temps, d’argent…

Même le bon docteur Chicoine sonne l’alarme. «Les enfants aiment jouer, et il ne faut surtout pas les en empêcher […] avec un projet trop éducatif, ou je dirais trop scolaire (…). Rien, pour ce qui est du développement de l’enfant, ne justifie un programme pédagogique si tôt », affirmait le pédiatre Jean-François Chicoine en entrevue à Radio-Canada. Le ratio adulte/enfants est très différent de la garderie à l’école alors que tous les spécialistes s’entendent pour dire que la qualité du lien d’attachement entre l’enfant et son « adulte de compagnie » est la clef de son épanouissement.

Alors, qu’est-ce qui presse?

Comme dans tout bon débat de société, il y a les pour et les contre. Une amie dont la fillette hyper énergique a intégré une des classes de maternelle 4 ans de la région cette année est aux anges! Tout comme sa fille! Sa poulette ADORE l’école. « Elle est heureuse, épanouie, a plein d’amis et adore ses professeurs », résume ma copine qui a profité du départ de sa 4 ans à l’école des grands pour refiler « ses journées de garderie » à son petit frère.

Il y a ça aussi. Le manque de places en garderie complique la vie de bien des parents. Dans le meilleur des mondes, il y aurait un choix. La maternelle 4 ans, ou le CPE, ou la garderie en milieu familial, ou la maison bien sûr. Car chacune des options a des qualités uniques qui répondent à leur façon aux besoins de l’enfant qui deviendra grand bien assez rapidement.

À vouloir tous les mettre dans le même panier, ne risque-t-on pas d’en échapper?

 

***

Dégoût

Il y un peu plus d’une semaine, sept enfants ont péri dans un incendie en Nouvelle-Écosse. Abdullah, 4 mois; Rana, 3 ans; Hala, 4 ans; Ghala, 8 ans; Mohammed, 10 ans; Rola, 12 ans; Ahmed, 15 ans. Une tragédie. Rien de moins que la fin du monde pour les parents, les amis, les proches. Ces enfants étaient d’origine syrienne. Si leur origine n’est rien de plus qu’une information de l’ordre du détail, elle a ouvert la porte à une déferlante de racisme ignoble. Je n’en reviens pas encore que cet humain-là, que dire, ce semblant d’humain existe. Car il est dépourvu d’humanité. Et qu’on ait pu lire ces commentaires sur le grand méchant ouèbe pendant plusieurs jours avant que quelqu’un les retire m’écoeure presqu’autant. Sérieusement? Vous me dégoûtez.

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