Don posthume pour la vie

La succession de l’artiste Mélissa Deschênes a choisi de faire œuvre utile en offrant une toile de l’artiste, décédée avec l’aide médicale à mourir le 5 février 2018, au Centre de prévention du suicide. Et ce don n’a rien d’anodin.

Les parents de Mélissa Deschênes, Marcel et Suzanne, avec leur fille Josée et l’oeuvre L’Envol bousculé qu’ils ont choisi de donner au Centre de prévention du suicide.

Quelques mois avant le décès de Mélissa Deschênes, la famille a été profondément ébranlée par une autre tragédie. Son cousin, Sébastien Joly, père de 3 jeunes enfants, venait de s’enlever la vie. « Sébastien était un bout-en-train, celui qui faisait rire la compagnie. Depuis quelques temps, il était plus fatigué, mais on n’a jamais vu venir la détresse », explique Marie-Christine Joly, sa sœur. Le choc aura été d’autant plus grand.

« «On passe par plein de sentiments : la colère, la culpabilité, le regret.  Il y a la douleur de l’avoir perdu, mais la douleur aussi de savoir qu’il a souffert… Sébastien était bien entouré, mais il n’a jamais laissé paraître sa détresse. On aurait tous voulu être là pour lui », confie la jeune femme.

«Mélissa avait été bouleversée par ça, comme toute la famille. Je savais qu’elle voulait faire un geste pour la prévention du suicide, ça me chicotait. Quand notre cousine Isabelle, qui travaille au Centre de prévention du suicide à La Malbaie (CPS) , m’a demandé une reproduction pour le bureau,  j’ai vu cette toile et ça allait de soi que c’était là qu’elle devait aller», indique Josée Deschênes, la grande sœur et gardienne du patrimoine de Mélissa.

Jocelyne Deschênes, Marie-Christine Joly et Michel Joly, mère, soeur et père de Sébastien Joly, ont été touchés par le geste de la succession de Mélissa Deschênes.

La toile réalisée en 2009, L’Envol bousculé, a trouvé sa place sur le mur de l’accueil au CPS, comme si elle y avait toujours été. Le dévoilement de l’œuvre s’est fait en présence de la famille, un moment chargé d’émotions.

«C’est une famille très unie et en 4 mois l’an dernier, ils ont perdu 2 personnes importantes. L’une par la souffrance mentale, l’autre par la souffrance physique.  Je trouve ce geste merveilleux. Et on dirait que ça garde le souvenir de mon frère vivant », confie Marie-Christine Joly qui vit quotidiennement avec le vide laissé par ce départ subit.

«Il y aura toujours un trou dans ma vie », glisse-t-elle. « Je lui ai dit que je deviendrais sa sœur Jedi. Le peu que je peux faire pour rendre la vie belle autour de moi, je le fais. Et je veux vivre mes projets maintenant», lance Marie-Christine, une autre façon d’honorer la mémoire de son frère, à l’instar de la toile de leur cousine Mélissa.

L’oeuvre est accompagnée d’un court texte expliquant sa provenance et sa symbolique.

«On aurait dit que la toile attendait ça. Sébastien était important pour Mélissa. Ce titre, L’Envol bousculé,  colle à la mission du centre de prévention du suicide. L’oiseau déploie ses ailes, c’est chargé d’espoir, de vie, de couleurs. Marie-Christine nous a dit que l’aigle à tête blanche, qui est représenté, c’était l’oiseau préféré de Sébastien. C’est un pur hasard. Ça a fait un an que Mélissa est décédée, c’était la semaine de prévention du suicide… Tout est dans tout, on dirait », concluent Isabelle et Josée qui ont permis à deux êtres d’exception désormais envolés d’être unis dans une petite portion d’éternité…