L’aide médicale à mourir, une réalité pour plusieurs

Par Jean-Sébastien Tremblay 4:55 PM - 14 février 2018
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La grande région Québec, qui inclut Charlevoix, est l’endroit où le plus de personnes en fin de vie bénéficient de l’aide médicale à mourir. En effet, 2,1% des décès surviennent maintenant dans ce contexte dans la région, selon ce que rapportait le journal Le Devoir le 12 février dernier. Le Dr Louis Roy, médecin aux soins à domicile au CIUSSS de la Capitale-Nationale, parle de son expérience dans l’administration de ce soin.
« La population est maintenant sensibilisée à l’aide médicale à mourir. C’est une alternative réelle pour plusieurs personnes », avance le médecin. Il ne peut expliquer le fait que la région de la Capitale-Nationale soit l’endroit dans la province où le plus de patients en fin de vie ont recours à ce soin. « Il faut regarder la question d’un autre sens. Pourquoi s’en pratique-t-il moins ailleurs ? Est-ce que toutes les ressources nécessaires sont mises en place ? », s’interroge-t-il. D’ailleurs, il souligne que le nombre de cas dépasse les attentes du comité sur le sujet sur lequel il siégeait au moment de la mise en place de cette mesure.
Dr Louis Roy a déjà administré ce soin de fin de vie. « C’est un moment chargé d’émotions, car les gens savent que c’est la fin. Certaines personnes demandent à [un proche] de leur tenir la main. Après l’injection, le silence s’installe… c’est très solennel », relate-t-il. Au total, l’administration de l’aide médicale à mourir prend environ 10 minutes.
Pour en bénéficier, les patients doivent passer à travers un rigoureux processus, car sa pratique est rigoureusement encadrée. « Les patients doivent souffrir d’une maladie incurable et irrémédiable. De plus, il est nécessaire qu’ils vivent des souffrances psychologiques ou physiques », décrit le médecin. Également la question du consentement est centrale.
« Les gens doivent consentir de manière libre et éclairée. Si, durant le processus, l’état de conscience [s’altère], tout est arrêté », avance-t-il. D’ailleurs, le personnel soignant ne propose pas l’aide médicale à mourir. « La personne souffrante doit manifester elle-même son désir, de manière explicite ou indirecte. C’est pas une option offerte par les médecins », affirme-t-il. Ce dernier constate que les gens qui souhaitent avoir recours à cet ultime traitement ont déjà, bien souvent, réfléchi à leur choix depuis une longue période.
Suite à cette manifestation de volonté, le patient doit remplir un formulaire. Un médecin prend alors le dossier en charge et évalue ce dernier eu égards aux critères légaux. Un collègue donne également un second avis. Si la réponse est positive, les détails de l’intervention sont précisés, notamment en ce qui a trait au lieu et au moment.
L’entourage des patients n’est pas laissé pour compte. « Il faut planifier le deuil. Si nécessaire, il est possible de faire intervenir des travailleurs sociaux ou des psychologues. La situation est traitée largement », explique le Dr Roy. Les médecins ont aussi la liberté d’administrer ou non le soin.
« Certains sont en accord avec le principe, mais ils ne sont pas capables de le faire. Il faut être en paix avec soi-même et capable de poursuivre sa semaine avec le sentiment d’avoir tout fait pour sauver le patient », soutient-il. « Nous ne sommes pas rendus là », évoquent les professionnels de la santé qui préfèrent confier ces dossiers à des collègues, selon le médecin.
Bien que Dr Louis Roy constate certaines lacunes dans la législation actuelle, il s’en accommode bien. « Il fallait débuter quelque part. On ne pouvait arriver avec l’aide médicale à mourir à grande porte ouverte. Ça prend des balises », affirme-t-il. Néanmoins, il souhaite que les législateurs poursuivent leur réflexion sur le sujet. Selon lui, la question de la perte d’aptitude en cours de processus et la prévisibilité du décès mériteraient d’être clarifiées. « Il y a des personnes handicapées qui souffrent beaucoup, mais dont le pronostic de survie est de plusieurs années. Il ne peuvent donc pas bénéficier de l’aide médicale à mourir, même s’ils le désirent », décrit-il.
Selon le journal Le Devoir, 1 215 Québécois ont obtenu ce soin de fin de vie depuis l’entrée en vigueur de la loi l’autorisant, en décembre 2015. En deux ans, le CHU de Québec a vu son volume doubler. L’aide médicale à mourir est maintenant bien implantée dans la mentalité des patients.

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