Dossier De la Syrie à Baie-Saint-Paul: Une nouvelle vie pour les Kamel

Par Emelie Bernier 12:24 PM - 3 janvier 2018
Temps de lecture :

Les Kamel sont chrétiens et pratiquants. Un grand sapin de Noël et une jolie crèche trônent dans leur salon. Les enfants ont d’ailleurs commencé à servir la messe. « La première fois, le curé a dit à tout le monde que les enfants venaient de Syrie et les gens ont applaudi », raconte Amalen Alfarah, émue à l’évocation de ce souvenir, un des premiers de sa nouvelle vie. À l’église, elle confie ne pas comprendre grand’chose. «On s’assoit quand les gens s’assoient, on se lève, quand ils se lèvent. Mais on prie comme en Syrie », confie-t-elle, avec un sourire.

Amalen Alfarah et Mnsour Kamel ont 3 enfants. Mario, un gamin de 9 ans au sourire éclatant, Lojain, une pétillante jeune fille de 11 ans, et Mishel, un grand sage de 13 ans. En avril dernier, ils sont arrivés à Montréal avec pour seuls bagages quelques vêtements et l’espoir d’une vie nouvelle. Direction : Baie-Saint-Paul.
Les Kamel sont la 2e famille syrienne parrainée par le Comité des réfugiés de Baie-Saint-Paul, un groupe d’individus de tous horizons mus par une même volonté d’aider et d’accueillir des personnes éprouvées par un conflit sanglant et dévastateur, à des années-lumière de chez eux. L’arrivée des Kamel a été retardée par les ennuis de santé de leur plus vieux, qui se porte bien aujourd’hui, après avoir subi deux opérations en sol québécois.
Les membres du comité ont aidé les Kamel à se sentir chez eux. Agnès Lessard, Jacqueline Witschi, Jean-François Mellon, Rémy Couture, Carole Dufour, Hélène Vivier, Thérèse Lamy et plusieurs autres ont tenté d’adoucir le choc, inévitable. André Lavoie, diacre, a aussi offert un support important dans la vie spirituelle des 2 familles, les Kamel comme les Hazzouri.

Les Kamel n’en reviennent pas encore d’avoir été si bien accueillis à Baie-Saint-Paul. «Ils nous ont tout donné, tout ce dont on avait besoin : les vêtements, la vaisselle, les meubles… C’est formidable », baragouine Mnsour dans un français très approximatif où il faut parfois remplir les blancs. Mais l’émotion, elle, n’a pas besoin de traduction.
Dans leur petit appartement où trône un sapin de Noël, les Kamel se construisent petit à petit une nouvelle vie. Mario et Lojain fréquentent l’école Forget, où tout a été mis en place pour favoriser leur intégration. Il faut dire que les enfants non plus ne parlaient pas un traître mot de français! Mnsour est fier de dire que sa grande fille Lojain a obtenu une note de 96% dans un test de mathématiques…Aurait-elle hérité de l’intérêt pour les sciences de son paternel?

Mishel, au secondaire, est discret, mais il fait sa place. Les autres jeunes sont gentils avec lui. « Ils sont curieux, me demandent comment on dit ceci ou cela en arabe. Ça va bien », confie-t-il en souriant.
Le matin, Mishel et ses parents se rendent ensemble au Centre éducatif Saint-Aubin. Lui part rejoindre ses camarades du secondaire, alors qu’eux retrouvent Michael et Zeina Hazzouri dans la classe de français pour immigrants. Durant les vacances scolaires, Mnsour a dégotté un emploi à Maison-Mère.
Chaque jour, la langue étrangère devient un peu plus familière, mais l’accent charlevoisien pose encore des difficultés. « Les gens parlent très vite. On dirait un seul long mot… », explique Amalen. Elle et Mnsour utilisent le logiciel Google traduction pour communiquer plus efficacement avec la journaliste qui ne tarit pas de questions. Heureusement, depuis les tout débuts, ils ont pu compter, comme les Hazzouri d’ailleurs, sur Touria Ouaan Kour. Marocaine arabophone, infirmière de surcroît, elle les a aidé, et les aide encore d’ailleurs à trouver leur repère, à comprendre et à se faire comprendre. Pour la famille exclusivement arabophone, la présence de cette « interprète » au grand cœur a ouvert bien des portes.
Ils aiment beaucoup Baie-Saint-Paul, pour le « calme, la paix, la sécurité ». Des mots qui n’ont pas la même charge pour ces gens qui ont connu les bombes, la guerre, les exils…

«Quand on vivait en Syrie, on est partis 3 fois au Liban, se sauver de la guerre. Mais au Liban, c’est très cher pour les Syriens, pour la nourriture, le logis. Ils abusent de nous. Ils ne donnent pas de visa, on peut seulement rester un mois et on nous cause beaucoup de soucis à la frontière », explique Mnsour et… Google traduction.
Quand la possibilité de partir s’est présentée, ils n’ont pas hésité. Ils ont choisi le Canada.

« Tout le monde disait : Attention, Canada, beaucoup, beaucoup froid… Pas été, pas automne, juste hiver! », rigole la belle Amalen, quasi soulagée de voir que la saison froide ne dure que 5 mois!
Almalen Alfarah ne cache pas qu’elle s’ennuie de ses proches. Elle appelle sa mère toutes les semaines. Elles pleurent ensemble. Malgré tout, Amalen sait que le départ était le meilleur choix. Pour elle et son mari, mais surtout pour Lojain, Mishel et Mario. «Mes enfants ont vu les soldats, les fusils, ils ont entendu beaucoup les bombes. Tout le monde vit dans la guerre durant 6 ans. Mon frère a été enlevé une semaine…on a dû payer la rançon. La maison de ma sœur a brulé, elle a dû déménager… Ma famille me manque, mais ici, il y a la paix », conclut Amalen Alfarah, qui apprécie la chance qu’elle et sa famille ont eue.

Partager cet article