#Moiaussi

Par Emelie Bernier 9:37 PM - 19 octobre 2017
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Pas de fiction bonbon ni de super héros aux biceps surdimensionnés. Pas de « happy end » en forme de gâteau de noces ni de tralée de bambins blonds et trop joyeux gambadant avec un golden retriever dans un champ de fleurs.
Un écran noir. Avec un mot-dièse (hashtag) géant. #MeToo.
Harvey Weinstein s’est branlé devant des comédiennes en leur promettant la lune. Il leur a demandé des « naked massages », brandissant d’une main une pile de contrats juteux et sa quéquette de l’autre. Il leur a proposé des « trips à 3 » contre un rôle au cinéma. Certaines se sont probablement pilé sur le cœur et le corps, d’autres se sont sauvées à la course, affrontant le géant et leurs peurs d’un même souffle. Elles n’ont pas parlé. Mais aujourd’hui oui. (Voir quelques témoignages ici : http://cnn.it/2gdN88b)
Dimanche, en réaction à l’affaire Weinstein, l’actrice Alyssa Milano a invité via un tweet toutes les femmes ayant vécu une agression ou du harcèlement sexuel à s’afficher. #MeToo. Pour « donner aux gens un aperçu de la magnitude du problème ». Et ô, quelle magnitude. Depuis quelques jours, on voit partout ces mots-clics qui nous mettent toutes dans le même bain, celui de l’abus, du plus banal qui ne l’est jamais vraiment au plus grave qui ne se pardonne pas.
#Moi aussi.
Ils étaient 3. Des gnochons sans ambition autre que de terroriser la gazelle avec leurs grosses pattes sales. Ils me pourchassaient dans l’école, la même que fréquentent aujourd’hui mes ados. Leur trip? Réussir à toucher mes fesses… J’en étais venue à les haïr, mes fesses qui attiraient leur glauque attention, mais jamais autant que j’ai haï ces gars-là. Combien de fois je me suis réfugiée dans les toilettes, à la bibliothèque? J’arrivais du primaire, j’étais une proie facile. Jusqu’à ce que je me fâche et que j’affronte le plus gros et le plus tata des trois qui venait de tenter de balader sa main dégueulasse sur ma toute petite poitrine de l’époque. C’était trop. Je l’ai confronté, je lui ai sacré un coup de pied dans sa prétendue virilité qu’il avait déjà tant de mal à gérer.
Après, tout de go, je suis allée au secrétariat, confesser mon méfait, mais surtout expliquer pourquoi ça s’était passé comme ça. « X m’a touché les seins et les fesses, ça fait des semaines que ça dure, j’étais tannée, je lui ai sacré un coup de pied». La secrétaire est devenue blême. Oupelaille. On aurait dit que c’était la première fois qu’elle entendait les mots seins et fesses prononcés par une ado. Je me suis retrouvée illico dans le bureau de la direction. C’était un homme, évidemment, et j’ai dû refaire mon baratin. Re-blêmissement. On aurait dit qu’il tombait des nues, comme si jamais auparavant une fille n’avait osé dénoncer ses agresseurs dans cette école qui en avait pourtant sûrement vu d’autres.
Les gars ont vraisemblablement eu une conséquence poche. Ils m’ont lâché la grappe. Enfin.
Au fil des ans, il y en a eu d’autres, dont ce pervers au Bois de Coulonge la zoune a l’air. Que ce fut bon de le voir détaler comme un lièvre après que ma chum se soit élancé à sa poursuite avec son canif en hurlant « cr… de porc! »…
Ces jours-ci, internet regorge d’histoires beaucoup moins drôles que celle-là.
#Moiaussi #MeToo, comme #agressionnondénoncée, #balancetonporc, #denounceallpigs et autre quellavoltache, qu’est-ce que c’est au fond? Une dénonciation qui libère, mais qui fait un peu peur aussi. Parce que ça fraie de beaucoup trop près avec la normalité d’avoir été un jour ou l’autre une victime d’agression ou de harcèlement sexuel.
Ce qui fait peur, surtout, c’est de voir qu’on peut élire un agresseur à la tête du plus puissant pays du monde sans que personne ou presque s’indigne. De réaliser que malgré toutes ces années de féminisme, il reste encore tellement de chemin à faire pour atteindre l’équité, la vraie, celle qui ne fait plus de doute dans l’esprit de chacun, qui se transforme en valeur fondamentale et partagée par les deux moitiés de l’humanité.
Je sais que des hommes vont réagir. Il y en a toujours qui réagissent quand je parle des femmes, Je voudrais leur dire, encore, que féminisme ne rime pas avec misandrie. Que c’est ensemble qu’on évolue et qu’on met fin à #Moiaussi.

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