Explorateurs d’épaves : frissons à 150 pieds sous le fleuve

Par Gilles Fiset 4:09 PM - 23 août 2017
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Les plongeurs d’épaves sont revenus cet été dans Charlevoix, l’Everest de la plongée, pour goûter une fois de plus aux frissons de la découverte et de l’exploration en passant par-dessus ceux de la peur du noir, du froid et même… de la mort.
Par Gilles Fiset
En cette première semaine du mois d’août, « les plongeurs », comme les surnomment affectueusement les gens de l’Isle-aux-Coudres où se trouve leur « base d’opération », n’en sont pas à leur premier séjour de plongée dans la région. Ils sont d’abord venus durant les étés de 2007 à 2009, puis en 2015 et 2016. L’an dernier, Les Plongeurs d’épaves techniques du Québec (PETQ), comme ils se nomment eux-mêmes, ont exploré le LeeCliff Hall et le Tritonica (à ce sujet, vous pouvez lire les excellents articles d’Émélie Bernier).
Au début du mois de juillet dernier, le petit groupe d’intrépides a exploré l’épave du North Voyageur, puis, en août, les restes d’un navire encore inconnu au moment d’écrire ces lignes. « C’est quelque chose de peu habituel pour nous, révèle Sébastien Pelletier. Le défi n’est absolument pas d’identifier l’épave. La plupart du temps, ce sont des informations qu’on a déjà en faisant des recherches pendant les mois qui précèdent les plongées. On trouve même les coordonnées où les navires ont sombré dans des bases de données du Service hydrographique du Canada par exemple ou ailleurs. Ces informations ne sont pas confidentielles, mais il faut bien les chercher », ajoute-t-il.
Charlevoix, l’Everest des plongeurs
« Pour moi, plonger ici, c’est presque l’équivalent d’escalader l’Everest tellement c’est difficile, confie Jean-Pierre Richard. J’ai déjà plongé à 300 pieds de profond pour explorer des épaves dans le sud et c’était beaucoup plus facile. Les conditions de plongée ici n’ont absolument rien à voir avec ce qu’on voit dans les émissions de télé avec des eaux limpides et calmes. Ce sont des conditions très hostiles : l’eau est froide, il fait complètement noir et il y a beaucoup de courant, donc tu te fais bardasser pas mal. Tu peux même partir à la dérive dans le fleuve. Des fois, il y a tellement de courant que ça devient risqué et tu dois tout arrêter et remonter à la surface, même si tu as assez d’air dans ta bonbonne pour rester bien plus longtemps. Le plus dangereux cependant quand on est au fond, c’est de perdre ton sang froid. Et ça peut arriver plus facilement qu’on pense dans ces conditions. La panique dans ce genre de plongée, c’est comme un vautour qui te tourne autour et qui n’attend que le bon moment pour te fondre dessus. Personnellement, il n’y a pas une seule plongée dans le coin avant laquelle je n’ai pas un petit moment d’angoisse ».
On peut se demande alors pourquoi les plongeurs du PETQ se donnent autant de mal. « On le fait pour l’aventure, l’amour de la mer et le défi technique. En tant que plongeurs qui aiment les épaves, on ne veut pas toujours faire la même chose, on veut découvrir des terrains vierges. Ce que j’ai vu au fond de l’eau, il n’y a que quelques autres personnes dans le monde qui l’on vu aussi, affirme Sébastien Pelletier. Ça nous permet aussi de pousser le niveau technique un peu plus loin et de devenir de bien meilleurs plongeurs ».
Trésors et restes humains
Une chose est certaine, ce n’est pas l’appât du gain qui attire nos plongeurs. « La plupart des bateaux anciens avec un trésor, ce sont des bateaux de bois qui dateraient de 200 à 300 ans et ils sont enfouis et très détériorés par les vers, tellement que ces épaves finissent par disparaître. Nous, on plonge pour explorer des bateaux à coque de fer qui ont encore leur intégrité structurale. S’il y avait des objets de valeur, ils auraient déjà été remontés par les scaphandriers. Cela fait bien longtemps qu’on a la technologie pour le faire. Par exemple, deux mois après que l’Empress of Ireland ait sombré, des scaphandriers sont allés récupérer ce qui avait de la valeur et c’était en 1914 seulement ».
Les courants et la vie marine du fleuve sont non seulement très peu propices à la conservation des épaves de bois, mais aussi à la préservation des restes humains. « Ça serait inusité de tomber sur des restes humains, car après plusieurs décennies dans le fleuve, les courants emportent les corps et la vie marine s’occupe de les faire disparaître. Mais dans les Grands Lacs, où il n’y a pas de vie et pas non plus de courant, on a vu des restes humains de plus de cent ans », ajoute M. Pelletier.
Pêche à l’épave
L’équipe du PETQ procède toujours de la même façon quand elle vient explorer les restes de navires dans le coin. « On commence par aller à la pêche à l’épave, raconte Sébastien Savignac. On accrocher d’abord l’épave avec un énorme grappin pour ensuite attacher une corde munie d’une bouée après la structure. La corde, c’est notre chemin pour aller à l’épave et en revenir ».
Les plongées durent en moyenne 45 minutes, mais seulement une vingtaine d’entre elles sont consacrées à l’exploration de l’épave. La remontée, par paliers de décompression, prend au moins autant de temps que le temps passé au fond. « Dans le secteur ici, on descend environ de 80 à 150 pieds. Ce sont de bonnes profondeurs quand on pense que la limite pour la plongée récréative est de 130 pieds ».
La cloche maudite
Au cours des années, les quatre plongeurs ont “visité” les restes de deux navires ayant eu la même cloche et qui ont sombré à moins de 2 km l’un de l’autre, soit le North Voyageur qui a sombré en 1972 et le Roland Desgagnés, qui a coulé en 1982, les deux au large de Saint-Irénée. La cloche du North Voyageur avait été sauvée et réinstallée sur le Roland Desgagnés. « C’est vraiment quelque chose d’assez étrange, comme si la cloche avait une malédiction… », confie Sébastien Pelletier en terminant.
Il est possible de suivre les péripéties des Plongeurs d’épaves techniques du Québec sur leur site Facebook.
Voici les films pris par les plongeurs lors de leurs périples sous la surface au large de Charlevoix cet été. Le film est la propriété du PETQ.
https://youtu.be/M08cUuY7mHM
voici un deuxième film
https://youtu.be/U8Hv5vckeh0
 
 

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