Symposium international d'art contemporain de Baie-Saint-Paul

Par Emelie Bernier 1:34 PM - 27 juillet 2017
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Le dernier tour de piste de Marie Pesortir-page-sympo-marie-perraultrrault
À l’aube de son dernier symposium, Marie Perrault choisit de savourer le moment intensément et de remettre aux derniers jours la nostalgie inhérente à la fin des cycles. Entretien au présent avec la directrice artistique du 35e Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul.
« Je réalise qu’en trois ans, tu commences, tu poursuis et tu achèves. Il me reste l’événement cette année et j’ai l’intention d’en profiter pleinement », lance Marie Perrault, qui adore le symposium et préfère ne pas trop envisager « l’après » pour l’instant.
Étrangement, la thématique de cette année tourne autour du temps, passé et futur. « Dès le départ, j’avais fait trois thèmes autour de réalités modifiées par l’émergence d’une technologie. Initialement pour 2017, le thème était Passés au présent. Inventer demain, mais il y avait trop de mots pour le graphisme alors, je n’ai gardé que Passés au présent. Au final, les artistes travaillent beaucoup sur les utopies. C’est partagé. Il y a ceux qui réfléchissent la mémoire, qui font une révision d’événements du passé. On a tendance à penser qu’on a une seule histoire, une seule tradition, mais c’est plus complexe qu’il n’y paraît. Et il y a ceux qui se projettent dans un futur post-apocalyptique. Ce sont des préoccupations très présentes dans l’imaginaire, globalement, et qui sont partagées par des gens qui ne sont pas nécessairement liés au milieu des arts visuels », ajoute la directrice artistique, soucieuse de rejoindre un public le plus large possible.
« Je trouve important de mettre l’emphase sur des enjeux de société qui concernent beaucoup de monde plutôt que sur des enjeux très pointus de mise en forme ou de dynamique du visuel, qui m’apparaissent moins pertinents dans le contexte sur Symposium », justifie-t-elle.
Qui dit art contemporain dit éclatement des pratiques et le symposium n’y échappe pas, loin de là, au grand plaisir de Mme Perrault. « Les artistes travaillent dans le multimédia, la photo, l’installation, la sculpture et même un peu la pratique performative. Il y a très peu de peinture, mais plutôt des gens qui vont mettre en rapport des collages, de la peinture, avec d’autres médiums, des gens qui utilisent la peinture dans un contexte plus large. C’est le symposium de la diversité. »
Marie Perrault est particulièrement fière d’avoir réuni au sein de l’événement des forces vives du milieu des arts contemporains de Québec et du Saguenay, une alliance qu’elle juge naturelle pour Baie-Saint-Paul. « À ma première édition, j’avais une cohorte avec beaucoup de Montréalais, mais j’ai réalisé que le public immédiat du symposium, ce sont les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de Québec… J’ai travaillé pour percer davantage ces milieux. S’il y a des scènes d’art contemporain dynamiques avec lesquelles le symposium doit être en dialogue, ce sont eux, c’est la communauté directe! C’est eux qui vont se déplacer, car les Montréalais bougent moins que tous les autres. L’offre est tellement généreuse qu’ils restent chez eux », analyse Marie Perrault, ravie de compter sur plusieurs artistes du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Québec.
Le président d’honneur n’est nul autre que le roi de L’Anse-Saint-Jean, Denis Tremblay. « C’est un peu un hasard, mais c’est aussi le 20e anniversaire de la monarchie de l’Anse. Disons que c’est un bel adon! », rigole la directrice artistique. Le duo d’artistes Magali Baribeau-Marchand et Sara Létourneau sont aussi en provenance du pays des bleuets alors que Stéfanie Requin Tremblay partage sa vie de créatrice entre Québec et Saguenay. « On s’approche de nos voisins! Je crois qu’il peut y avoir un dynamisme en région et j’avais envie d’y toucher. Personnellement, je n’aime pas beaucoup les rapports hiérarchisés “centre vs périphérie!” », dit-elle.
Fin août, elle dira au revoir à Baie-Saint-Paul. « À ce moment-ci, je ne vois pas encore ce symposium comme une fin. Je préfère y voir un début. J’ai adoré cet événement et je sais très bien que la dernière journée, j’aurai un gros pincement au cœur… mais je ne veux pas gâcher mon plaisir! »
Dans la nature de Karine Locatelli sortir-page-sympo-karine-locatelli
(EB) Karine Locatelli n’en revient encore pas de sa chance. À 25 ans, elle participera à cet événement phare où se produisent quantité d’artistes établis : le Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. Pour la jeune étudiante à la maîtrise en arts visuels de l’Université du Québec à Chicoutimi, il s’agit non seulement d’une grande fierté, mais aussi d’une occasion de rendre hommage à ce qui l’inspire, le paysage, plus particulièrement celui de sa région d’adoption. « C’est mon premier projet important, ma première grande reconnaissance. Je suis très fière de représenter Charlevoix et de perpétuer la tradition de l’art paysager ici, une région qui a une histoire très forte à ce chapitre », lance la jeune fille en direct de l’Île d’Anticosti. Là-bas, elle concrétise un projet de résidence de création pour ce qu’elle espère voir grandir jusqu’à devenir une communauté artistique.
La jeune femme a dû René Richard dans les bottines. De rives en forêt, elle voyage, à vélo ou à pied, et rarement la croiserez-vous sans son encrier, sa plume, un carnet ou un rouleau de toile accroché à son dos, parfois avec une canne à pêche. « Dans ma pratique, le paysage part d’une expérience concrète. Je vais sur les lieux et je fais des croquis à l’encre, que j’interprète ensuite sur de très grands formats, toujours avec la plume et l’encrier. Les toiles ne sont pas montées sur un cadre, je les roule pour pouvoir les trimballer partout. J’ai adapté ma pratique pour être nomade », explique l’artiste.
Au symposium, où elle se posera, elle compte habiter son espace de création avec ses toiles dans un dispositif relevant de l’installation. La rencontre avec le public ne fait pas peur à cette artiste qui a donné une quantité phénoménale d’ateliers à des gens de tous âges.  « J’ai hâte! », conclut-elle.
Bientôt le tour de Sylvie Lacertesortir-page-sympo-sylvie-lacerte
(EB) Dès la clôture de l’édition qui se tiendra en août de cette année, Sylvie Lacerte deviendra la 8e directrice artistique du Symposium international d’art contemporain. Après Serge Murphy et Marie Perrault, elle sera la 3e à tenir les rênes pour un mandat de trois ans. « Je me sens fébrile. En même temps, je me sens anxieuse parce que mes prédécesseurs, Marie et Serge, me laissent de grandes chaussures à enfiler. J’espère être à la hauteur des ambitions du symposium et des miennes », confie-t-elle.
Elle connaît bien le symposium, qu’elle fréquente depuis de nombreuses années. L’événement est en phase avec un de ses dadas professionnels : la médiation culturelle.
Selon elle, « la médiation culturelle est bien une activité de rencontre de deux mondes. Celui de l’art et celui du public ».
« Le symposium est pour moi un formidable moyen tant pour les néophytes que pour les spécialistes, d’entrer dans le processus de création et de voir comment l’artiste travaille. On est toujours curieux de voir les coulisses d’un théâtre et c’est la même chose pour les arts visuels », dit-elle.
Historiquement, l’artiste est perçu de façon très romantique, une vision que le symposium contribue à démystifier selon elle. « L’artiste angoissé, qui travaille seul devant l’univers dans son atelier? Ça ne fonctionne plus du tout comme ça! Il y a des collectifs, des collaborations, un décloisonnement! Les artistes aujourd’hui ont plusieurs cordes à leurs arcs. Ils sont souvent aussi musiciens, performeurs… Ils puisent à l’aune de plusieurs disciplines : la sociologie, les sciences, les nouvelles technologies… Ils ont une grande curiosité! Quand on a des artistes de tous ces types-là qui travaillent devant public, ça défait forcément beaucoup de mythes », constate cette fana de la médiation culturelle qui y voit un énorme plus. « C’est pour moi ce qui distingue le symposium. Si je n’adhérais pas à ça, je n’aurais pas accepté la direction artistique.  Et les artistes doivent l’accepter aussi, ils doivent s’engager dans cette démarche. C’est riche d’enseignement. Autant pour le commissaire, les artistes, les publics », conclut Sylvie Lacerte, impatiente de prendre son tour.

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