À la gloire de l’instant présent

Par Emelie Bernier 5:54 PM - 14 juin 2017
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Il est peu de moments où l’on s’offre le luxe d’être l’heureux captif de l’instant. Tout entier subjugué. Plus qu’attentif, conscient.
Dans les derniers jours, j’ai vécu quelques-uns de ces instants de communion quasi divine avec le moment présent.
D’abord sur une chaloupe au milieu d’un lac puis devant un spectacle. Allez, j’vous raconte.
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À la pêche à la ligne
Juste avant de prendre le bois, j’ai lu une chouette chronique de David Desjardins, un scribe que j’aime bien et que je suis depuis la lointaine époque des Esprits tordus. Seuls les initiés comprendront.
Il y parlait de la pêche, du lâcher prise que cette activité semi-passive commande et du bien être profond qui est le corollaire de ce même lâcher prise. Joliment intitulée Un hameçon pour décrocher, le texte était en phase absolue avec ma destination et ça m’a fait sourire car j’avais envie, déjà, de rédiger ma chronique 2219 sur ce thème frétillant. (http://lactualite.com/societe/2017/06/02/un-hamecon-pour-decrocher/)
Alors voilà pour l’aveu de non-originalité.
La pêche me rassasie. Que je prenne ou non du poisson. Elle m’apaise, à l’instar d’une longue sieste, bien que je ne connaisse que très peu cette béatitude. Soleil et sommeil ont beau rimer, ils vont rarement de pair dans mon cas…
Sur un lac traversé de frissons, entourée de beauté et de silence, le regard rempli du vert tendre des frondaisons à peine épanouies, je suis simplement heureuse. Ravie.
Rien de ce qui m’affecte ou me tracasse dans la vraie vie ne traverse la frontière mouvante, et si perméable au vent, de la forêt.
Comble de bonheur, je partage ces moments de grâce avec une poignée de femmes merveilleuses, inspirantes et joyeuses. Si j’adore plonger au petit matin dans les eaux glacées qui me coupent le souffle et me ravigotent jusqu’aux entrailles, ce « bain de mères » me fait encore plus de bien. Merci, les pêcheresses des étangs… J’vous aime.
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Julien for ever
À peine sortie du bois, le temps de démêler ma crinière entortillée par le vent et les courses de chaloupe, le temps de chasser d’un jet d’eau chaude les derniers remugles de sang de poisson, et hop, direction le Domaine Forget pour un spectacle longtemps attendu, celui du grand Juju, une idole de jeunesse anachronique!
Que dire sinon que là encore, le moment m’a happée. Dès les premiers sons jaillis de ce monument en chair, en os et en costard, j’ai oublié le temps et le nom de ma rue, oublié qu’il faisait clair dehors et que demain serait lundi, oublié que la Syrie se meurt, que Trump est au pouvoir, que je n’ai pas fini de semer mon jardin… Enfin soumise de plein fouet à cette voix portant haut et fier des ritournelles tant de fois entendues édulcorées par les enregistrements, j’ai pleuré de joie.
Quelle prestance. Quelle classe. Quel swing dans le genou. Quelle voix!
On l’aurait dit possédé par ses si belles chansons… Il nous a fait rire, pleurer et danser. Il nous a fait embrasser l’instant à bouche que veux-tu.
Et c’était bon comme un premier baiser!
Juju for ever.
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Quels qu’ils soient, saisissez ces moments qui vous font oublier tout le reste. Vautrez-vous dans ce bonheur, si fugace soit-il. N’ayez pas peur de décrocher. Rien ne vaut ces instants-là quand la perspective est inversée, quand ce qui vous obnubile quotidiennement n’est plus qu’un vague point sur la ligne d’horizon et vos rêves occupent enfin le premier plan. C’est quétaine, mais c’est ça. Carpe diem.

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