Dossier Fibrose kystique-Vivre avec un enfant FK

Par Emelie Bernier 7:30 AM - 1 juin 2017
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Caroll-Ann, Daphnée, Carl et Valérie forment une famille unie et font front commun devant la maladie.

Valérie et Carl Tremblay étaient déjà les parents de la petite Caroll-Ann, pimpante de santé, lorsqu’ils ont appris avec bonheur la venue de leur 2e enfant. Rien n’aurait pu les préparer au diagnostic qui allait tomber sur leur minuscule poupon blond, la mignonne Daphnée. La valse des chromosomes avait cependant décidé de faire un faux pas…
Par Émélie Bernier
«Il n’y en a pas du tout dans la famille, alors on ne se doutait pas de ce qui nous attendait. Daphnée était un bébé enjoué, elle faisait ses nuits, ne pleurait pas… C’était le bébé parfait jusqu’à la visite d’un mois… », se rappelle Valérie.
Cette rencontre avec le médecin était la première d’une longue série qui allait faire basculer leur univers. « Elle avait maigri et n’avait pas repris son poids de naissance, même si elle buvait bien et que tout semblait correct. Elle pesait à peine 7 lbs, ce qui a mis la puce à l’oreille de notre médecin. 2 semaines après, ça stagnait encore. Alors l’investigation a commencé », poursuit la maman.
La médecin soupçonnait un « problème d’absorption, ce qui ne disait pas grand’chose aux jeunes parents, mais ne semblait pas particulièrement inquiétant. «À Saint-François-d’Assise, ils ont commencé les tests. Le test de salinité était dans le plafond… Il n’y avait pas vraiment de doute possible et c’est même l’infirmière qui nous l’a annoncé un peu par mégarde. C’était la fibrose kystique », explique la maman.
La nouvelle a été difficile à encaisser. Il faut dire qu’à l’époque, les pronostics étaient plus graves qu’aujourd’hui. Et même si la recherche fait des bonds de géants, la fibrose kystique est encore à ce jour une maladie mortelle. «Après qu’on ait appris la nouvelle, le processus s’est enclenché… On était sous le choc. Ils l’ont hospitalisée et toute la famille aussi. Ils nous ont fait une clinique intensive durant 4 jours. Daphné a eu une batterie de test encore. Nous, on a rencontré pneumologue, rhumatologue, nutritionniste. On s’est senti encadré et encore aujourd’hui, on a un lien privilégié avec l’équipe de soins. Dès qu’il y a même juste un petit quelque chose, j’écris un courriel et c’est vite répondu, vite pris en charge. Les pharmaciens appellent ici au village et notre pharmacien David Villeneuve est vraiment disponible », explique Valérie Tremblay.
Les suivis ont d’abord eu lieu à chaque semaine puis se sont espacés d’abord aux 2 semaines puis aux mois et aux 3 mois. Des bilans complets sont faits chaque année. Depuis quelques mois, les rendez-vous sont plus rapprochés. « Cet hiver, Daphnée a été hospitalisée deux fois. Longtemps au mois. Elle a des bactéries qui ont développé des résistances aux antibiotiques et le moindre petit rhume peut être vraiment grave pour elle », explique Valérie.
Le quotidien avec la fibrose kystique n’est visiblement pas de tout repos. Il suffit de voir les appareils et inhalateurs que la jeune fille doit utiliser quotidiennement pour le comprendre. Un coup d’œil aux pilules qu’elle doit ingérer donne un peu le vertige…
«Depuis qu’elle est petite, il y a régulièrement des ajustements de médication. Il y a des personnes chez qui seulement le digestif va être affecté, d’autres seulement le pulmonaire. Daphnée, c’est les deux, mais à un moins haut degré. On est quand même chanceux, car elle a une des mutations les moins pires. En vieillissant, ça évolue… Il faut toujours faire attention, mais ça va quand même bien », dit celle qui a vite endossé le rôle de maman/infirmière. «C’est ma place, c’est naturel, c’est comme ça depuis toujours… »
L’adolescence a apporté son lot de défis. « Oui, on a eu un peu de difficulté… D’abord, à l’adolescence, le métabolisme change…Et une ado, qui a la fibrose ou pas, ça reste une ado », lance la maman avec un coup d’œil complice vers sa fille.
Celle-ci sait très bien à quoi sa mère fait référence. « J’ai eu une petite période de 2 ans où j’étais tannée. J’en pouvais plus. C’est pas tant les pilules qui me dérangeaient, mais plus les traitements. C’est plate, c’est long… Ma mère m’énervait un peu parce qu’elle me lâchait pas avec les soins», explique candidement la jeune fille au visage fin et constellé de tâches de rousseur.
Enfant, les traitements consistaient surtout en séances de « clapping », ces petites tapes qui sont assénées sur le dos afin de dégager les mucosités des parois. Aujourd’hui, le nébulisateur et les inhalateurs ont remplacé le clapping et Daphnée consacre entre 1h30 et 2h chaque jour à ses soins. Sur l’heure du midi, elle s’isole dans une petite salle tranquille à l’école pour faire des séances de drainage autogène, une technique de respiration qu’elle doit pratiquer tous les jours, 3 fois par jour à raison de 15 à 20 minutes chaque fois. « C’est pour expectorer. Je vis bien avec ça, parce que je sais que c’est pour mon bien être…Une amie vient avec moi, parce que sinon, je pars dans la lune… », explique avec un sourire Daphnée qui vit avec un TDA. Sa mère veille donc encore régulièrement à ce que sa fille n’oublie pas de prendre chacun de ses médicaments. «On lui en demande pas trop, parce que je suis là et que ça va de soi. Le fait qu’on n’a jamais vraiment eu de routine a compliqué les choses un peu… On ne mange jamais à la même heure, par exemple! Mais ça ne nous a jamais empêché de l’emmener partout : en camping, en voyage dans le sud… Là, on essaie d’être plus régulier, parce qu’il faut aussi qu’elle développe son autonomie, mais c’est beaucoup de gestion, un vrai casse-tête desfois», explique Valérie.
Au moment où le Charlevoisien l’a rencontrée, Daphnée revenait d’un voyage de 4 jours à Boston, un nébulisateur de voyage à piles dans ses valises…et un rhume ramassé sous la pluie de Boston!
«C’est un peu difficile de la laisser partir… Elle n’est pas assurable. On souhaite toujours qu’il n’arrive rien. Pour elle, une grippe, un rhume, ça peut dégénérer. Mais on lui fait confiance, de plus en plus », explique Valérie, qui se réjouit quand même de savoir que Daphnée ne quittera pas tout de suite le nid familial. « Je vais au cégep de la Malbaie dans 2 ans, alors je suis ici pour encore au moins 3 ou 4 ans », explique Daphnée. Le papa, lui, est davantage du type inquiet. «Il a vécu ça difficillement », confie sa conjointe.. « Quand je suis hospitalisée, il me « facetime » tous les jours… », lance sa fille. Caroll-Ann, la grande sœur, se rappelle avoir souffert de l’ombre de ce petit bébé qui nécessitait tant d’attention.
« C’est sûr qu’à une époque, je trouvais qu’elle prenait de la place, mais j’ai été aidée, j’ai compris! Aujourd’hui, je suis vraiment fière d’elle et je l’adore!»
Une des conséquences les plus notables de la fibrose kystique est la difficulté des personnes atteintes à engraisser. Alors que la plupart des ados souhaitent ardemment perdre du poids, Daphnée, elle, se bat pour en gagner, ou à tout le moins, pour le maintenir.
«Avec mon poids, j’ai de la misère à me rattraper par exemple quand je suis malade. J’ai perdu 3 livres et le médecin était pas content…Ça n’aide pas ma capacité pulmonaire. Je respire moins bien, ça demande plus d’énergie, je brûle plus de calories…Il faut que je mange gras, salé, mais moi, j’aime le sucré! Alors il faut que je fasse attention au diabète! », dit la jeune fille qui souffre aussi d’arthrite rhumatoïde en lien avec la FK. Et a déjà eu 4 opérations pour des polypes aux sinus. « Tant que l’air passe, ça va, mais après, il faut opérer… explique-t-elle. Malgré la gravité et l’irréversibilité de la situation, la mère et la fille sont positives. Valérie a développé des habiletés d’infirmière au fil des ans. « Je peux la traiter moi-même, j’ai toujours des prescriptions des médicaments que je les connais. Je suis prête à intervenir jusque ça dépasse mes compétences…»
Le fait que Daphnée soit de plus en plus capable d’identifier les symptômes et d’y réagir est aidant, même si parfois, elle hésite à tout dire à sa mère… « Je le sais quand ma condition pulmonaire baisse, mais oui, ça arrive que je ne dise pas tout. Je ne veux pas inquiéter mes parents, ou j’ai l’impression que ça va passer… » confie la jeune fille qui a visiblement choisi de mordre dans la vie!

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