Procès de Michael Wagner: une partie de la preuve sur la sellette

6 février 2014
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Ce que Michael Wagner a déclaré aux policiers suite à l’incendie du 4 mai 2012 au centre ville de La Malbaie pourrait être écarté du procès à venir. Une requête pour exclusion de la preuve, présentée par la défense, a été entendue mercredi au Palais de justice de La Malbaie et prise en délibéré par le juge Michel L. Auger. La défense croit que cette déclaration de l’accusé aux policiers n’a pas été faites de façon « libre et volontaire »

Par Brigitte Lavoie

Rappelons d’abord que Michael Wagner est accusé d’avoir causé l’incendie du 4 mai 2012 dans un immeuble du centre ville de La Malbaie où il exploitait le Café Interlude. Le sinistre avait fait pour 1,5 million $ de dommages, notamment au restaurant Mikes. Les enquêteurs de la Sûreté du Québec avaient procédé à l’arrestation de M. Wagner le lendemain du feu, à son domicile de Saint-Fidèle. L’homme, âgé de 51 ans aujourd’hui, a plaidé non coupable aux deux chefs d’accusation d’incendie criminel déposés contre lui et a choisi un procès devant un juge.

Me Patrick Guay, avocat de la défense, a plaidé « l’effondrement émotionnel et psychologique » de M. Wagner la nuit de l’arrestation et de sa déclaration aux policiers, cherchant ainsi à faire exclure cette seconde déclaration signée obtenue par les enquêteurs de la Sûreté du Québec (SQ). C’est cette seconde déclaration qui fait l’objet de la demande d’exclusion de la preuve.

Souffrant de blessures aux mains et au visage, l’accusé avait pris de la médication cette nuit-là et se trouvait « dans un état de détresse psychologique », selon son avocat. Un état d’esprit, « dans lequel il n’arrive plus à évaluer les conséquences de sa déclaration » et qui s’ajoute à sa difficulté de parler et comprendre la langue française.

En entrevue, Me Guay précise que « la volonté de M. Wagner et sa capacité de bien évaluer la décision n’étaient pas à leurs meilleurs » cette nuit-là. « Le travail des policiers se fait dans une situation telle que le client n’est pas en mesure de faire une déclaration et d’en évaluer l’impact. Je pense que les agissements des policiers n’ont pas permis une déclaration libre et volontaire », expose M. Guay.

Témoignages

Appuyé par une interprète, M. Wagner a témoigné devant la Cour en anglais, racontant la nuit de son arrestation et de son incarcération au poste de la SQ de Clermont. « J’étais fatigué, confus et en douleur. Je voulais juste sortir de là. (…) J’aurai dit et fait n’importe quoi pour sortir », a raconté M. Wagner.

Le procureur de la couronne, Me Sébastien Émond, a demandé à l’accusé pourquoi il n’avait pas informé les policiers de son état et notamment de sa douleur aux mains. M. Wagner a répondu qu’il croyait que ça n’aurait « rien donné ». « Pourquoi ils s’en feraient? », a dit l’accusé.

M. Wagner et les policiers avaient des versions contradictoires sur les circonstances de la seconde déclaration. Selon M. Wagner, ce sont les policiers qui lui ont demandé de faire une seconde déclaration, qu’il a signé. Les deux policiers affirment quant à eux que c’est M. Wagner qui a demandé à leur parler de nouveau, après deux heures passées en cellule.

Le Directeur des poursuites pénales et criminelles, Me Sébastien Émond, a remis en doute la crédibilité de l’accusé, le questionnant notamment sur ses trois changements de noms. Il a fait entendre six témoins, dont les deux enquêteurs Nicolas Laflamme et Réjean Simard. Des propriétaires de boutiques de l’immeuble incendié et la directrice du service des incendies de La Malbaie au moment des faits, Monique Marier, se sont aussi présentés à la barre pour confirmer la capacité de M. Wagner à parler français.

En entrevue, Me Sébastien Émond a dit souhaiter que la requête pour exclusion soit rejetée : « À notre avis, aucun droit n’a été violé. Ce sont des policiers d’expérience qui sont sur cette affaire. Les violations alléguées par la défense ne sont pas fondées. »

Le juge Michel L. Auger a pris la requête en délibéré et rendra sa décision le 22 avril prochain. L’exclusion ou non de cet élément de preuve teintera le procès à venir, selon les avocats. « Cette décision est très importante pour la suite des choses. Nous n’aurons par le même dossier si nous obtenons la requête », précise Me Guay.

De son côté, Me Émond explique que « la preuve est très forte. Perdre cet élément de preuve ne serait pas dramatique. On souhaite toutefois que la requête d’exclusion soit rejetée parce qu’on pourra divulguer ce qu’il y a dans cette preuve et qui est très importante pour la poursuite. »

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