Dossier violence conjugale, trouver l’issue. L’histoire de Solange*

Par Emelie Bernier 30 janvier 2014 Initiative de journalisme local
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UN

Dire oui à la vie!

Appelons-là Solange*. Le contexte? Quelques semaines avant Noël, Solange nous demande la permission de publier sa lettre ouverte, une toute petite missive chargée d’émotion où elle confie son récent passé de femme victime de violence psychologique. Et son choix de s’en sortir. Parce que son histoire est celle de bien des femmes, L’Hebdo Charlevoisien a voulu aller plus loin.  Voici l’histoire de Solange, sans filtre, noyau d’un dossier sur cette problématique dont les tabous méritent d’être déboulonnés…

Par Émélie Bernier

 


Fuir la solitude

Solange ne vient pas d’ici. Lorsqu’elle se sépare de son mari, la rupture a le goût amer de la solitude. Elle décide de s’inscrire sur un site de rencontre. «Je voulais juste faire du social. Grâce au web, j’ai rencontré Daniel*. Il avait l’air gentil et je voulais un copain pour jaser», explique-t-elle. De fil en aiguille, une relation se développe entre les deux solitudes. Daniel la couvre de cadeaux, la sort, la gâte. Elle n’y voit que du feu et plonge, littéralement. Leur relation, hautement toxique, durera un an et demi.

Aujourd’hui, Solange voit les signes avant-coureurs qui auraient pu lui éviter d’être avalée par la spirale de la violence. «J’ai eu des pincements, mais j’ai minimisé leur importance. En début de relation, tu es en forme de clivage positif. Maintenant, je vois comment son emprise s’est développée », soupire-t-elle.


Lune de miel à lune de fiel

«Il n’était pas très affectueux, mais je me contentais. C’est comme quelqu’un qui est dans le désert et qui n’a ni à manger ni à boire, qui pense être comblée par une goute d’eau… », image Solange.

Rapidement, ils emménagent ensemble. «On vivait dans une grande promiscuité avec ses parents. Je devais me plier aux règles familiales. Les cadeaux, les sorties se sont espacés. Il fallait économiser. Daniel économisait sur les compliments aussi », se remémore-t-elle.

Elle grappille ici et là des motifs pour rester. «Je retrouvais ce qui me manquait terriblement, une famille. Les contacts avec les enfants m’apportaient beaucoup. C’est une des raisons qui me retenaient. Ça, ma dépendance affective et l’insécurité financière, évidemment.»

Au fil des semaines, l’étau se resserre sur la gorge de Solange. « Il a commencé à me dire de me méfier d’un tel ou un tel, qu’il n’aimait pas que je parle de nous à mes amis sous prétexte que ceux-ci m’influençaient négativement. Tranquillement, je ne pouvais plus parler à personne. D’un autre côté, j’étais blâmée parce que je ne sortais pas. C’est comme l’armée, mais une armée contradictoire, dont les règles ne se tiennent pas, une discipline constante, mais changeante. Un vrai champ de mine », image-t-elle.

Les journées se suivent et ne se ressemblent pas. « Une journée, tu sais quoi faire pour ne pas déplaire à l’autre et ça va.  Le lendemain, tu fais la même chose, mais ce n’est plus correct», se souvient-elle, la douleur encore vive.  La violence financière s’invite rapidement dans le décor. «Il me disait que je n’avais pas les moyens de me payer un loyer, que je ne pouvais donc pas partir», se souvient-elle.

 

Le début de la fin

« Je craignais les fins de semaine car presqu’à chaque fois, il partait sur une dérape. Il me rejetait. Il me disait ‘avant toi, j’ai jamais sauté les plombs’ et je culpabilisais. Je me disais que j’étais vraiment terrible! Quand je lui disais que j’allais partir pour le soulager, il me répondait d’attendre au lendemain parce qu’il faisait nuit ou qu’il pleuvait, etc. Il me disait avoir été victime de rejet par le passé et jouait là-dessus pour me retenir après m’avoir détruite par son rejet», poursuit-elle.

Une promesse la lie à son agresseur. « Je lui avais promis que je ne l’abandonnerais jamais, mais j’avais mis une condition :  ‘il faut que tu sois fin’.  J’aurais sacrifié ma vie pour respecter ma parole, mais à un moment donné, j’ai réalisé que la condition n’était pas été respectée », poursuit-elle. Malgré ce constat, elle reste. Solange est malheureuse et vit dans la peur constante des sautes d’humeur de Daniel.


Trop, c’est trop

Un jour, une fête de famille vire à la catastrophe. Solange reçoit une énième pluie d’injures, celle de trop. «J’ai pété les plombs. Je n’étais plus capable, je pensais que je ne pouvais pas fonctionner par moi-même.» Un nuage noir l’enveloppe et elle perd tout espoir. « J’ai fait une tentative de suicide », confie-t-elle, émue. De par ses diagnostics de maladies chroniques, elle a sous la main une véritable pharmacopée… « J’ai tout pris ce que j’avais », murmure-t-elle. Une amie lui sauve la vie, in extremis. Solange passe deux jours à l’urgence.  Comme l’hôpital est plein, elle est ensuite transférée aux soins palliatifs… «Là, il y avait une chapelle. J’ai passé une semaine à prier et ça a progressé dans ma tête. On m’avait laissé en vie, ce n’était pas pour rien.»

Comme la plupart des femmes victimes de violence conjugale, elle jongle d’abord avec l’idée de retourner auprès de son bourreau. « Daniel m’a dit qu’il avait besoin de réfléchir, il m’a mis à la porte de chez lui. J’avais besoin de me trouver une place et j’ai sonné à la porte de la Maison la Montée», dit celle qui venait de choisir la lumière…


 À lire: la suite de notre dossier sous l’onglet SOCIÉTÉ


*Les noms ont été changés afin de préserver l’anonymat des protagonistes de cette histoire vraie, bouleversante et inspirante à la fois.

 


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