DOSSIER VIOLENCE CONJUGALE: Remonter la pente à La Maison La Montée

Par Emelie Bernier 30 janvier 2014 Initiative de journalisme local
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À cette époque, aucun des amis de Solange ne peut l’accueillir à sa sortie de l’hôpital. «On m’a suggéré de prendre contact avec La Montée. Ça n’allait pas bien, mais dans ma tête, je n’étais pas une victime de violence. Je me rappelle le sentiment de honte quand je me suis présentée à La Montée. J’étais détruite», dit celle qui a fait du chemin depuis. Au fil des discussions avec les intervenantes, Solange réalise qu’elle est,  dans les faits, une victime de violence. De la forme la plus sournoise, celle qui ne laisse pas de traces visibles sur le corps, mais réduit le cœur et l’âme en miettes. « J’avais la force et le pouvoir de m’en aller. J’avais assez d’argent pour me sauver de cette situation malsaine, mais je ne le faisais pas. J’étais vampirisée, aveuglée, comme si on m’avait enlevé la capacité de penser par moi-même; une marionnette», raconte Solange la résiliente.

Un havre pour l’âme et le cœur

Elle est très reconnaissante envers La Maison La Montée pour toute l’aide que les intervenantes et les autres femmes lui ont apportée.  « C’était vraiment comme une maison, mais spéciale. Les femmes qui arrivent avec leurs enfants ont une chambre spéciale avec une couchette, des lits pour les enfants. Les tâches sont divisées entre les intervenantes et les hébergées. On a un calendrier, on a des réunions de gang! On est comme des colocs, mais on est toutes en situation de crise, ce qui peut créer des situations délicates. Dans les réunions, on remet les pendules à l’heure. Plutôt que d’accumuler ou de péter des plombs, on en parle à la réunion », explique-t-elle.  Elle a créé des liens avec les autres femmes. «Il y a une belle solidarité entre les femmes. Ça permet de parler de ce que tu vis, de partager, de relativiser, de s’aider. Ça enlève le sentiment que tu es la cruche qui s’est faite avoir », constate-t-elle.


Je ne suis pas seule

Car c’est à La Montée que Solange a compris qu’elle partageait son sort avec beaucoup plus de femmes qu’elle ne le croyait. «La maison est tout le temps pleine. Ça rentre, ça sort, les femmes reviennent,  malheureusement. Il y a tous les âges, tous les niveaux sociaux, culturels, tous les paliers monétaires», a-t-elle pu constater. Elle admet qu’elle-même avait un préjugé, avant… «On a tendance à penser que la femme victime de violence, c’est l’illettrée, la fille sur le ‘bs’. Ce n’est pas ça. Ça touche tous les milieux. C’est insidieux, surtout quand on parle de violence psychologique. Les intervenantes disaient qu’on tolère cette violence-là beaucoup plus longtemps que la physique. Si tu as un œil au beurre noir, ça paraît… », dit-elle.

Solange est définitivement sortie de cette spirale de violence. Si elle prend ici la parole, c’est parce qu’elle espère convaincre des femmes de s’en extirper à leur tour et surtout, de ne pas se laisser aspirer de nouveau. « Beaucoup de femmes vont retourner dans leur milieu, les intervenantes en ‘échappent’, selon leur expression. C’est dommage », explique-t-elle. Son passage à La Montée lui a ouvert les yeux. «Ce qui est fascinant, c’est que les comportements violents ont été étudiés. Les intervenantes, elles te le disent : après tant de jour, il va se passer ça. Ils font tous la même affaire. Elles m’ont aidé à anticiper, à voir venir. Et à persister dans mon choix d’en finir avec cette relation malsaine », résume-t-elle. Grâce à cette préparation, elle a pu composer avec l’intimidation, les menaces et les coups bas de son tyran. «J’ai tenu bon», dit-elle.


La vie est belle!

Si cette année et demie de relation a failli la détruire, Solange n’a jamais regretté d’avoir choisi la vie!

À  La Montée, elle a appris à accepter le fait que tout ça n’était pas de sa faute. « Toutes, sans exception, on est convaincues que c’est notre faute. C’est comme sortir quelqu’un d’une secte! Tant que tu n’as pas accepté ça, tu ne peux pas avancer », résume-t-elle.

Solange apprécie beaucoup le fait que le suivi se poursuive bien au-delà de ce premier pas. «On t’aide à restructurer ta vie, à comprendre pourquoi tu as été attirée par ce genre de personne. On t’explique la différence entre la violence conjugale et une dispute de couple. On nous apprend à voir les signaux d’alarme, les différentes manifestations du contrôle, qu’il soit sexuel, monétaire, social…On va aussi nous aider avec le soutien juridique, nous donner des outils pour reprendre notre pouvoir, et nous redonner confiance en nous. On te fait comprendre que la personne la plus importe pour toi, c’est toi. Agir en fonction de ça,  ne jamais faire passer les besoins de l’autre avant les tiens, ce n’est pas être égoïste, c’est s’aimer et se respecter.»

Aujourd’hui, Solange souhaite à son tour aider les femmes qui vivent le genre de situation qui a bien failli avoir sa peau. «Un de mes buts dans ma vie future, c’est d’intervenir en sensibilisation sur le terrain. Il y a encore beaucoup de travail à faire sur la violence psychologique. Parce que ça ne paraît pas, les agresseurs se croient blindés, mais ce n’est pas vrai. Il faut le dire, le répéter et aider les femmes à s’en échapper», clame Solange avec toute l’intensité de celle qui sait.

 

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