Les visages du Symposium. Suite.

Par Emelie Bernier 21 août 2012 Initiative de journalisme local
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Les « souvenirs peinturés » d’Yvon Gallant

Parce qu’il puise son inspiration à même ses souvenirs plus ou moins lointains, les toiles aux couleurs vives de l’acadien Yvon Gallant sont comme autant de morceaux de mémoire immortalisés.

«Mon projet, c’est de peinturer ce qui m’arrive dans la vie. Je n’écris pas un journal, je peinture un journal! Il y a toujours des choses qui arrivent», de dire M. Gallant, un sourire en coin. Ah oui, le sympathique peintre ne peint pas, il peinture! «Le monde joue avec les mots beaucoup. Peinturer, c’est de la peinture et je fais de la peinture », estime-t-il.

Chez M. Gallant, la visite est bienvenue. « Ça me dérange pas les gens qui tournent autour. J’aime bien en parler. Je travaille desfois le matin et quand le monde est là, je fignole. Ça dépend, parce que des fois, il faut commencer! », explique-t-il.

Prolifique, Yvon Gallant remplira quelquefois les murs de son atelier durant ce symposium. Lors de notre passage, une série sur des fromages imaginaires attirait l’attention. « Je suis allé au marché public et j’ai goûté des bons fromages avec des noms exotiques. Si moi je faisais un fromage, comment je l’appellerais? »

Ainsi sont nés, sur la toile du moins, La petite crotte de mémère, Le plaisir de satan

et une série de fromages dédiés à…l’alzheimer. « C’est de l’art sérieux, mais je suis sur la corde! Autant c’est sérieux, autant il faut rire. J’ose croire que les gens sont capables de faire les deux! J’ai pas peur du monde. Tout le monde a droit à ses opinions… mais j’ai des oreilles à filtre», rigole le gaillard au look de bûcheron classe!

Abondance et falbalas chez Carole Baillargeon

« Pour aller chercher le vertige, que l’œil soit perdu, ça en prend beaucoup », résume Carole Baillargeon tout en enfilant quelques boutons sur un fil de cuivre. Aux murs de son atelier s’accumulent de longs assemblages de ces fils tortillés semés de couleurs vives grâce aux boutons et autres menus objets perforés qu’elle y glisse selon son inspiration. « C’est un projet ambitieux par la quantité et ça demande de la discipline, mais j’ai réalisé que je serais capable d’y arriver hier (la semaine dernière) et je suis un peu plus détendue », lance Mme Baillargeon avec un sourire. Selon elle, ce qui distingue le travail au symposium de celui à l’atelier est une certaine rigueur et une assiduité à un seul projet. « Dans mon atelier, je prends des pauses d’une œuvre pour travailler sur une autre et je ne reviens pas nécessairement à la première le même jour. Ici, il y a quelque chose à rendre, même si je ne crois pas que la fin du symposium marquera la fin de cette œuvre », dit-elle.

Elle aimerait présenter cette installation dans un autre endroit et devra peut-être y ajouter d’autres de ses « sculptures » suspendues.

Depuis plusieurs années, Mme Baillargeon suit le symposium de près. « J’étais familière avec l’événement. Comme artiste, c’est une destination de choix, mais je n’avais jamais envoyé de dossiers de candidature. Cette fois, la thématique m’interpelait, car j’avais ce projet en tête et ça se rencontrait », explique-t-elle.

La rencontre avec le public  ne l’importune pas. « C’est sûr qu’après quelques semaines, les mêmes questions reviennent, mais c’est normal! », rigole-t-elle. Le contact avec les autres artistes est aussi très « nourrissant ». « On s’ouvre à d’autres pratiques et j’apprécie beaucoup, car c’est souvent très différent de ce que je connais », de conclure Mme Baillargeon.

Un roman Harlequin signé Marc-Antoine K.Phaneuf

D’emblée, les murs dépouillés de l’atelier de Marc Antoine K. (pour Kalachnikov) Phaneuf   intriguent. Assis derrière des piles de romans Harlequin qu’il feuillette à une vitesse fulgurante, l’artiste est parfois confondu avec un libraire égaré et sans doute un brin toqué par les visiteurs… « Les livres font partie du projet, ils  sont le matériau », explique l’artiste qui avoue un penchant  pour le kitsh, le pop et le quétaine.

Le choix du livre n’est pas fortuit pour cet auteur de poésie qui a déjà quelques recueils à son actif. Son élan pour la littérature combiné à son penchant pour les objets de la culture pop l’ont mené directement chez Harlequin, icône du genre. «J’ai beaucoup travaillé avec la citation, avec des extraits de poèmes, des répliques de films, Ici, c’est poussé à l’extrême car je construis un nouveau livre en enfilant les pages de différents romans Harlequin et ça doit se tenir », explique-t-il. S’il semble épris d’une fièvre lorsqu’il dévore ses piles de romans à l’eau de rose, c’est qu’il cherche LA page 38 qui suivra sans heurts la page 37 et ainsi de suite. « J’ai une pile qui finit par un point pour faciliter les transitions. Je regarde aussi les prénoms pour que certains personnages reviennent. Je travaille beaucoup de mémoire. C’est important que le français fonctionne, mais aussi que le lecteur ait l’impression de suivre une histoire cohérente », explique M. K. Phaneuf.

Pourquoi Harlequin? « C,est un type de livre que tout le monde connaît et on raconte que c’est toujours la même histoire… Je joue avec ce concept! », de conclure l’artiste. Les murs de son atelier ne resteront pas immaculés puisque quelques jours avant l’issue du symposium, il créera une murale avec les romans ayant servi de matériau à « son » Harlequin. Celui-ci sera d’ailleurs complété avant le 2 septembre. Marc-Antoine K.Phaneuf ignore encore quel en sera la couverture, mais on l’imagine bien romantique!

 

Tessa Mars, survivre à travers l’art

Il s’en est fallu de peu pour que Tessa Mars ne voie jamais Baie-Saint-Paul et ne connaisse jamais ce symposium auquel on l’avait invitée. Et on ne parle pas ici d’un certain tsunami. Quelques mois avant sa venue ici, un grave accident lui a brisé de nombreux os et éveillé en elle une conscience  nouvelle. C’est pourtant avec le sourire et un éclat paisible dans le regard qu’elle vous accueille dans son atelier largement ouvert où elle s’affaire à peindre une grande fresque de 3 tableaux aux teintes franches. « Je sais ce que je veux mettre dessus, mais je n’ai pas de plan encore, mes idées changent! », explique la belle Haïtienne qui habite Port-au-Prince.

Les gens qui la regardent travailler l’influencent, la poussent à essayer de nouvelles façons de travailler. « J’avais déjà travaillé devant public chez moi, mais ici, ce n’est pas la même attente ni la même attention. Les gens ici ont peut-être plus l’habitude, ils posent plein de questions et c’est très stimulant », admet-elle.

Elle ne s’étonne pas que plusieurs visiteurs la questionnent aussi sur la vie « post-tsunami » dans sa contrée natale. «Ça déborde souvent vers la politique! Les gens sont très bien informés, posent des questions très pointues auxquelles je ne peux pas toujours répondre », dit-elle, un sourire aux lèvres. S’il lui est impossible de vivre de son art  chez elle, elle peint tous les jours, de plus en plus de petits croquis s’ajoutant à ses fresques.  Selon elle, la vie artistique de Haïti a connu un tournant le 12 janvier 2011. « Ça a stimulé les artistes, il y a eu beaucoup d’initiatives pour une création définie selon de nouveaux termes. Ça été un éveil, je crois », de conclure Mme Mars.

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