Gisette Bergeron, aidante surnaturelle!

Par Emelie Bernier 7 mars 2009
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La dame, qui respire la bonne humeur, est mère de deux enfants, Guylaine (décédée l’an dernier, à 36 ans) et Daniel (38 ans). Daniel avait 16 mois lorsque la vie de Gisette Bergeron a pris un tournant auquel elle ne s’attendait pas. À l’époque, Gisette décide de consulter parce que le petit ne marche pas encore. Le diagnostic tombe rapidement: Daniel et Guylaine, qui n’a que quatre mois, sont atteints de polyneuropathie sensitivo-motrice avec agénésie du corps caleux. La décision de garder auprès d’elle ses petits, voués à une dégénérescence progressive et irréversible, s’impose d’elle-même.

« Au début, je trouvais que je n’avais pas le choix de m’occuper d’eux, mais en vieillissant, je me suis permis de me poser la question à de nombreuses reprises, car j’ai eu des périodes de découragement. J’ai aussi douté de mes capacités. C’est extrêmement astreignant d’être un proche aidant et pour bien remplir ce rôle, il faut se donner le droit de se demander si on a envie de continuer», explique-t-elle.

Avec son mari, décédé il y a 16 ans maintenant, elle a fait le choix de tout donner à ses enfants. « On les chérissait, malgré le fait qu’ils avaient une espérance de vie très courte et qu’on nous disait qu’ils deviendraient « légumes »! Je pense, avec le recul, que ça leur a permis d’être plus heureux, de s’accepter, d’être choyés. Daniel a toute sa tête. Des médecins se sont penchés sur leur longévité, sur le fait que mes enfants ne perdaient pas leurs habiletés cognitives. Ils ont toujours été stimulés! J’ai toujours aimé dialoguer avec eux, je leur ai laissé du « lousse »! Ils ont voté! J’ai même passé pour une mère excentrique, car j’ai acheté des Playboy à mon fils. Il était adulte et il me l’a demandé! C’est normal! » Gisette éclate de rire.

Excentrique, certes, mais aussi hyperactive! « J’ai organisé ma vie pour continuer de vivre, c’est un de mes secrets. Je suis responsable de l’Université du 3e âge, je joue au bridge, je fais partie du club de lecture… J’ai plein de projets, ça m’aide! » Elle est aussi membre fondatrice de l’Association des personnes handicapées de Charlevoix. «Le CLSC m’a beaucoup aidé, il m’a sauvé! Ils m’ont donné une gardienne, des services. J’ai eu des anges gardiens et depuis 10 ans, une dame extraordinaire m’aide avec Daniel quand je m’absente. Elle fait partie de la famille. Un autre secret de la réussite, quand on est un proche aidant, c’est de faire appel à des réseaux, de ne pas rester seul. J’ai utilisé tout ce qui était à ma portée. »

Loin d’être fataliste, Gisette Bergeron a choisi de dédramatiser la situation dans laquelle sa famille s’est retrouvée, afin d’y trouver son bonheur.

«La vie m’a engagée dans ce chemin et je l’ai choisi, Tu peux te battre contre ta vie ou faire avec.

Être un proche aidant, ce n’est pas naturel pour tout le monde : il faut avoir un esprit de générosité, savoir donner son temps. C’est gratifiant! Ce sont des vies d’amour. Au fil du temps, j’ai réalisé que mes enfants m’étaient aussi nécessaires que moi je l’étais pour eux. J’ai été heureuse, je suis encore heureuse! Je pense que s’il y avait des tests pour mesurer le bonheur, je me trouverais parmi les premières! »

Le décès de son mari, puis de sa fille Guylaine, n’ont pas réussi à ternir l’optimisme de la dame. « Hier, c’est passé, je ne peux plus rien faire sinon me pardonner mes fautes. Demain est un mystère. Est-ce que je participerai au mystère de demain? Aujourd’hui, le présent, c’est un cadeau et il faut le vivre », philosophe-t-elle.

« Quand on devient aidant, il faut s’attabler à faire le deuil de ce qui était, de ce qu’on espérait… On chemine tous les jours. Aujourd’hui, je vais bien, je suis sereine, mais j’ai vécu le deuil, celui de pleurer sur soi, sur la perte. Mais, je ne pleure plus sur ce que j’ai perdu, parce qu’il me reste la vie. Et il me reste Daniel. Ma joie, mon centre, mon soleil! Mon univers! »

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