Les vies sauvées par Régis Boies

Par Jean-Sébastien Tremblay 2:22 PM - 27 avril 2018
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Régis Boies, décédé le 23 avril 2011

Régis Boies est décédé tragiquement le 23 avril 2011, à l’âge de 43 ans. Néanmoins, mû pour la générosité qui était sienne, il avait manifesté sa volonté de donner ses organes en cas de décès. Aujourd’hui, il a changé la destinée de plus de 20 inconnus, en plus de celle de sa famille donneuse, qui poursuit maintenant dans sa voie.
« Régis est un homme d’une grande bonté. Il adorait sa famille et son fils de sept ans. Il était en affaires avec son frère, ils possédaient une entreprise de génie civil », raconte sa sœur Nancy, l’une des membres de cette famille tissée serrée.
Puis par un Vendredi saint d’avril 2011, le temps s’arrête soudainement. Pendant la nuit, l’homme ressent de vives douleurs à la tête, qu’il a du mal à exprimer, tant qu’elles sont vives. Puis une ambulance est appelée pour le transporter à l’Hôpital de La Malbaie. Il est alors transféré d’urgence, en compagnie d’un urgentologue et d’une infirmière vers un centre hospitalier de Québec. Le diagnostic tombe. Régis souffre d’un accident cardio-vasculaire (ACV) au cerveau.
Alors que sa famille fait les cent pas dans une salle d’attente, des chirurgiens se battent pour sa vie en salle d’opération. « L’opération s’est bien déroulée, mais… mais il faudra voir comment il passe la nuit », annonce le docteur à ses proches après avoir complété la chirurgie. Dans les heures suivantes, son état se détériore. Il est placé sous respirateur artificiel, car il ne peut plus le faire par lui-même. Aux petites heures matin, Régis Boies, ce père, ce fils, ce frère, cet époux, est déclaré cliniquement mort.
Néanmoins, pour la famille Boies, il y a la vie dans la mort, une parcelle du moins. « Dès son transfert vers Québec, j’ai songé que Régis voudrait faire don de ses organes. Il avait déjà tenté de donner de sa moelle épinière de son vivant », relate Nancy. Dans les heures suivantes, alors qu’ils sont réunis dans l’une de ces salles d’attente anonyme, la famille Boies prend une décision unanime. Régis fera don de ses organes s’il décède. Après tout, c’est ce qu’il aurait voulu.
Alors que leur univers s’effondre, ils communiquent cette volonté au personnel hospitalier. Dès que les médecins cessent d’avoir espoir, une équipe médicale, soutenue par Transplant Québec, se met en place autour de la famille. Après une série d’analyse, on conclut que l’homme est l’un des rares candidats qui remplit toutes les conditions d’admissibilités au don d’organe. « Ce qui est trompeur, c’est que les organes doivent être maintenus irrigués afin d’être transplantés. Ainsi, au moment de prendre la décision finale, nous l’avons touché, il était chaud », raconte Nancy. Néanmoins, trois tests, au cours desquels le respirateur artificiel est débranché, leur démontrent qu’il n’y plus rien à faire.
Tout s’accélère par la suite. Pour que les organes soient viables, ils doivent être prélevés rapidement. Après un transfert vers l’établissement où l’équipe de prélèvement de Transplant Québec se trouve, une opération est pratiquée. « Les chirurgiens ont pu sauver le cœur, les poumons, le foie, et les reins de Régis » décrit sa sœur. De plus, des tissus ont été prélevés sur son corps. Au total, près de 20 vies ont eu une deuxième chance cette journée-là.
« Le don d’organe a permis de donner un certain sens à une mort qui n’en avait aucun », confie-t-elle. Ce geste l’a aidé dans son long processus de deuil. « Il montre qu’il y a malgré tout de l’espoir, et que la vie continue », raconte-t-elle. D’ailleurs, la famille en est fière. « Régis a fait le plus cadeau qu’une personne puisse faire, et ce, à de purs étrangers. Il a donné la vie », affirme-t-elle.
Un an plus tard, alors que les Boies commençaient à panser leurs plaies, une lettre est arrivée par la poste. « Un receveur nous a écrit. Il avait reçu les poumons de Régis, et nous remerciait intimement pour lui avoir fait le plus beau des cadeaux. C’était un père de famille dans la quarantaine, qui avait trois jeunes enfants, et il était en attente d’une greffe pulmonaire depuis deux ans. Le « match » avait été parfait et l’opération avait été un succès. Après un an de rétablissement, il était en pleine forme, et mordait dans la vie », relate Nancy Boies, qui a alors éclaté en sanglots, entourée des siens.
Aujourd’hui, la femme poursuit l’œuvre de son frère. Elle s’implique pour faire connaître davantage le don d’organes. Elle invite les gens de parler de leur volonté de faire don de leurs organes à leur famille, en plus de manifester leur souhait en s’enregistrant aux trois registres appropriés. Même si la présence de son frère dans sa vie est irremplaçable, elle fait bénéficier les autres de son vécu, afin de sauver d’autres vies.

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