René Richard, peintre du Nord

Par Christelle Lavoie 6:06 PM - 7 janvier 2017
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Photo d’archives

Malgré les grands froids qui l’accompagnent généralement, l’hiver charlevoisien demeure une source d’inspiration pour plusieurs artistes. Pour René Richard, le grand « Slim » comme on l’appellait, cet espace nordique était synonyme de liberté créatrice et de plénitude, de solitude à travers le tumulte de la vie d’une région touristique.
Né en Suisse dans la froideur des premières neiges de 1895, René Richard est en quelque sorte prédestiné pour la vie rude de la nature sauvage. C’est en 1909 que sa famille s’installe à Cold Lake en Alberta. Le nom de l’endroit trahit bien la température peu clémente qui y sévit ainsi que l’existence difficile qu’on y mène. L’adolescent qu’est Richard à cette époque s’initie rapidement à la vie de coureur des bois et de trappeur. Son immense désir de grands espaces et de paysages vierges, son goût pour l’aventure et son besoin permanent de liberté lui donnent le courage nécessaire pour parcourir le nord au rythme de la chasse et de la pêche. Cette vie simple, mais ardue, nourrit son imagination. Ses souvenirs du nord marqueront à jamais sa carrière artistique.
Animé par le désir de devenir peintre, René Richard quitte les bois en 1927 pour étudier le dessin et la peinture à Paris, où il rencontre le grand maître, Clarence Gagnon. Cette amitié sera décisive dans son apprentissage.
L’attrait de la nature pittoresque du Canada demeure fortement présent. De retour au pays en 1930, il continue son exploration et son existence de nomade et peint la vie des trappeurs. Faute de moyens financiers, il réalise ses œuvres sur des toiles de fortune qui consistent le plus souvent en du papier d’emballage, des journaux et des panneaux de bois.
Alors qu’il reprend contact avec Clarence Gagnon, celui-ci le persuade de venir s’installer dans Charlevoix, où il pourra trouver un milieu artistique favorable à la création tout en profitant de la nature sauvage qu’offre la région. Richard suit ce conseil et s’installe à Baie-Saint-Paul en 1939. C’est là qu’il rencontre Blanche Cimon, qu’il épousera trois ans plus tard. Conquis par le milieu, il ne quittera plus Charlevoix.
Pendant plus de dix ans, l’artiste s’emploie à mettre au propre les croquis qu’il a rapportés de ses voyages et expéditions. La lumière particulière propre au ciel hivernal charlevoisien le stimule et le pousse à redoubler d’ardeur dans son travail. De 1950 à 1965, il peint toute une série sur le Grand Nord, fresque sur grands formats inspirée de sa vie en forêt. À son décès en 1982, il laisse une œuvre considérable qui constitue un témoignage précieux sur les régions du nord canadien dont il a su interpréter la véritable grandeur.
Comme l’écrivait Yvon Dubé, ami intime du peintre : « Liberté, noblesse, poésie et capacité d’émerveillement caractérisent ce rôdeur des bois. Comme la sève sans prétention aucune, Slim le trappeur a atteint des sommets. »
De belles rencontres…
Malgré son tempérament un peu solitaire, René Richard a su cultiver de grandes amitiés dans son pays d’adoption. Il a notamment tissé des liens avec les écrivains Félix-Antoine Savard et Gabrielle Roy. Il en est même venu à illustrer des œuvres de ces derniers, respectivement Le montagne secrète et Menaud, maître-draveur. Très difficiles à trouver aujourd’hui, ces éditions sont de vrais trésors pour ceux qui les possèdent.
Évidemment, le milieu culturel de Baie-Saint-Paul a également été propice à des rencontres avec des peintres dont Francesco Iacurto, Albert Rousseau et Jean Paul Lemieux.
En plus d’être un ami, René Richard a été un maître pour certains artistes. On pense entre autres à Louis Tremblay et à Alban Bluteau. Le premier suit les traces de son mentor dès l’âge de neuf ans, alors qu’il s’initie à la peinture. Leur passion commune pour la nature et les paysages grandioses rapprochent leur travail pendant de longues années. C’est dans la trentaine que le second s’attache au maître. Bluteau passe beaucoup de temps à apprendre les techniques et les façons de faire de Richard.
Terre d’accueil, Baie-Saint-Paul est devenue pour René Richard un lieu de création, un lieu d’épanouissement et un lieu de rencontres. On en est même venu à parler de la petite Suisse du Québec. Encore aujourd’hui, il est possible d’admirer une vingtaine d’œuvres du peintre-trappeur dans les locaux de la bibliothèque René-Richard. Ces tableaux ont été donnés au Centre d’archives régional de Charlevoix par la Fondation René-Richard. Pour que les gens se souviennent…
https://www.lecharlevoisien.com/archives/destination-charlevoix-hiver-2016/#page1

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