Un legs pour les générations futures Monsieur Trudeau! Abolir le trou noir!

Par Jean-Sébastien Tremblay 2:35 PM - 21 janvier 2018
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Une nécessaire reconnaissance de l’économie saisonnière…
Monsieur le Premier Ministre du Canada, vous nous avez souvent rappelé, depuis votre arrivée au pouvoir, l’importance de protéger l’environnement pour les générations futures. Vous avez aussi défendu publiquement les « valeurs canadiennes », comme la diversité, l’égalité, les libertés individuelles et les deux langues officielles. Vous tentez également de réparer les erreurs de l’Histoire en recréant des ponts avec les nations autochtones du Canada.
Au cœur de votre discours, vous révélez à tous les Canadiens les orientations importantes de votre gouvernement. Tout cela est bien.
Il ait pourtant une autre valeur importante pour le Canada, qui semble absente des préoccupations politiques de notre grand pays : à savoir la survie et sauvegarde des populations vivants dans les régions rurales du Canada.
Les étendues parfois rudes et souvent sauvages caractérisent autant notre territoire que la diversité des populations. Les habitants, souvent peu nombreux, qui y vivent malgré les difficultés économiques et climatiques, participent pleinement à la culture canadienne et au maintien des traditions qui ont forgé les cent-cinquante ans du Canada.
Il est temps, Monsieur le Premier Ministre, de faire un pas de plus et de reconnaître l’importance de nos populations rurales pour le Canada, en lançant à votre tour un «dorénavant» bien senti…
« Dorénavant, les citoyens des régions rurales cesseront d’être pénalisés par l’Assurance-Emploi, parce qu’ils travaillent dans une industrie saisonnière… Dorénavant, les travailleurs saisonniers cesseront de devoir quitter leur région, parce que les règles gouvernementales ne tiennent pas compte des spécificités de la ruralité, et de leur apport à l’identité et la diversité canadienne. »
L’exemple de Charlevoix
Ce «dorénavant» est rendu nécessaire, Monsieur Le Premier Ministre, parce qu’il existe des disparités significatives, caractérisant chacune de nos régions, tant au niveau économique, social, que culturel. On parle d’égalité et d’équité entre les citoyens du Canada, mais, il existe une iniquité fondamentale qui pénalise nos populations rurales.
Un exemple de ces disparités : le cœur de Charlevoix, cette belle et grande région qui accueillera le G7 très bientôt, bat depuis des décennies au rythme du tourisme et de l’industrie forestière.
Saviez-vous, Monsieur le Premier Ministre, que la baisse du taux de chômage dans la Grande Région de Québec pénalise maintenant notre population, au lieu de favoriser sa richesse. Ce paradoxe est dû notamment aux règles inéquitables de l’Assurance-Emploi, ainsi qu’à la structure de notre économie rurale.
Le taux de chômage, ici, demeure malheureusement trop haut, en raison du manque de diversité de notre économie. Les programmes canadiens d’accès à internet haute-vitesse dans les régions rurales sont certes un premier pas intéressant pour permettre à nos régions de participer pleinement à la démocratie canadienne et à l’économie du futur.
Encore faut-il, Monsieur Le Premier Ministre, que nous ayons un futur? Quelque 30% des emplois dans Charlevoix sont saisonniers. C’est plus de 2300 travailleurs qui doivent recourir à l’assurance-emploi pour assurer le bien-être de leur famille.
Chaque année, nos entreprises, à bout de souffle, doivent composer avec un manque de plus en plus criant de personnel qualifié. Plus la ville de Québec améliore son taux d’emploi, plus notre situation s’aggrave. Ainsi, l’application uniforme du calcul du nombre d’heures travaillées (basée ici sur la région administrative de la Capitale Nationale), prive nos travailleurs ainsi que leurs familles immédiates des prestations d’assurance-emploi. Ils doivent alors patienter près d’une année, (après leur retour au travail de la saison suivante) pour avoir une chance d’obtenir un maximum possible de 543 $ par semaine.
Cela signifie qu’au printemps 2018, alors que les Dirigeants du Monde se réuniront au somptueux Manoir Richelieu pour discuter de l’avenir de l’économie de la Planète, c’est plus de 2000 familles de Charlevoix, qui auront vécu sans revenu durant une période de 8 à 20 semaines. C’est ce que nous appelons dans Charlevoix : le trou noir.
L’urgence de la situation
Pour nous, Monsieur Le Premier Ministre, le futur, c’est maintenant. On ne peut pas attendre le bénéfice futur de l’accès à internet haute-vitesse.
Au printemps prochain, la vague déferlera sur des centaines de familles de Charlevoix, mais aussi qu’ailleurs au pays, dans les régions rurales, car certaines règles implacables sont mal adaptées à nos réalités économiques. Au printemps prochain, les travailleurs saisonniers les plus précaires se retrouveront au bord du gouffre financier, faute de prestations. On parle notamment de nombreuses femmes monoparentales de Charlevoix, qui sont le seul soutien financier de leurs enfants.
Une mesure d’urgence doit être mise en place sans attendre. Des conséquences humaines dramatiques sont à prévoir. Sans oublier bien sûr les impacts significatifs sur le reste de l’économie de notre région : 2000 familles sans revenu durant plusieurs semaines ne participeront plus à faire tourner l’économie, mettant en danger l’avenir même de nos petites entreprises et de nos commerces.
En plus, des travailleurs, leurs familles, ainsi que des entreprises, envisagent maintenant de quitter notre magnifique région, accélérant d’autant l’exode de notre population.
Ce que nous demandons, Monsieur le Premier Ministre :
  • La mise en place d’une mesure d’urgence dès le mois de février.
  • La reconnaissance des emplois saisonniers au même titre que les autres emplois, en créant un statut particulier.
  • Éliminer le taux de chômage régional du calcul des semaines assurables.
  • Accorder un nombre de semaines raisonnables avant le retour au travail pour tenir compte des spécificités des régions rurales.
  • Tenir compte de la notion de revenu minimal garanti en lançant une vaste réflexion et une consultation pancanadienne basée sur l’équité entre tous les Canadiens.
Le Canada est un des rares pays de l’OCDE à utiliser le taux de chômage comme base de calcul pour l’assurance emploi.
La reconnaissance du statut particulier de l’industrie saisonnière ferait une différence réelle pour la promotion des emplois nécessaires au maintien des activités de l’industrie touristique notamment, chez nous, dans Charlevoix, et ailleurs, dans d’autres régions rurales du Canada.
La visibilité occasionnée par la venue du G7 pourrait devenir le tremplin à la reconnaissance et à la valorisation de tous nos travailleurs. Surtout, que le G7 entend discuter spécifiquement des emplois de l’avenir et de l’investissement dans la croissance économique qui profite à tout le monde.
Voilà un lègue qui profiterait à notre région et à toutes les régions rurales du pays.
Sylvain Tremblay, préfet de la MRC de Charlevoix-Est, maire de Saint-Siméon

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