Le dernier voyage de l’abbé Jean Moisan

Par Emelie Bernier 7:14 AM - 24 octobre 2018
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Image prise sur le site de La Tribune

Il aura marié des centaines d’amoureux, baptisé au moins autant de bébés et enterré bien des paroissiens. Après plus de 60 ans de vie sacerdotale, l’abbé Jean Moisan entreprend à son tour le dernier voyage, laissant dans le deuil une communauté tissée serrée autour de son église.
Jean Moisan n’était pas un curé comme les autres. Tous les gens qui l’ont croisé au cours de sa longue « carrière » le diront. Né en 1928 dans la région de Québec, le dynamique homme de foi avait été ordonné prêtre le 30 mai 1953. Après avoir exercé son ministère à Château-Richer, il avait migré un peu plus à l’est, vers la petite paroisse de Saint-Joseph-de-la-Rive. Il ne devait y rester que quelques temps, mais au final, l’histoire d’amour entre le village et son curé aura duré plus de 50 ans. Ses paroissiens avaient d’ailleurs souligné cet anniversaire en grandes pompes l’été dernier. L’abbé Moisan sentait déjà ses forces décliner, mais il avait tenu à célébrer la Messe de la mer une dernière fois cet été avant de se retirer doucement.
Rencontré lors de la fête tenu en septembre 2017, celui que tout le monde ou presque appelait simplement « Jean » s’était dit très touché par le geste et avait rappelé les circonstances de son arrivée à « Saint-Jo ». «À l’époque, j’avais failli partir, mais les paroissiens et les villégiateurs ont signé une pétition pour me garder. J’ai été installé comme curé le 24 septembre 1967, un dimanche par le curé de Baie St-Paul, l’abbé Alfred Bergeron. Dès le début j’ai constaté que les gens de la paroisse étaient indisciplinés comme leur nouveau curé », avait-il alors raconté, semant ici et là ses éclats de rire si distinctifs. Cette indiscipline partagée s’est avéré un gage de durée. «C’est ma gang, depuis 50 ans et jusqu’au bout. Je les aime à la folie. On est tous fous, on va bien ensemble », avait confié le curé ce jour-là, la voix nouée par l’émotion.
Premier curé de la région à jouer de la guitare dans ses messes, Jean Moisan a toujours été un mélomane aguerri. Durant près de 20 ans, il a animé une émission sur les ondes de la radio CIHO. Et ses goûts musicaux ne se cantonnaient pas à la « musique d’église »! En 34 ans de travail auprès des jeunes des écoles de la région, il a marqué des tonnes d’adolescents avec ses messes heavy metal. Plusieurs, comme Édouard Tremblay, se souviennent avec émotion de ce curé pas comme les autres qui savait les écouter. ««Je n’ai pas peur de le dire : si je ne l’avais pas eu, je ne serais peut-être pas là aujourd’hui », avait confié le jeune homme lors de la célébration en l’hommage de celui qu’il qualifiait sans hésiter d’ami. Dans un vibrant hommage, Édouard Tremblay avait résumé la pensée de plusieurs des amis de cet homme d’exception.
«Il faut tout simplement que nous devenions à notre tour des Jean Moisan. En effet, regardez un instant le monde actuel, sa charge de haine, d’intolérance, de bêtises et de misère. Ce monde n’a-t-il pas, à notre instar, désespérément besoin de Jean Moisan ? N’a-t-il pas désespérément besoin de cette joie et de cet amour dont il est si prodigue ? »
L’abbé Jean Moisan s’est éteint cette nuit à 23h30 à l’Hôpital de Baie-Saint-Paul à l’âge de 90 ans et 4 mois, après y avoir été hospitalisé depuis le 16 juillet dernier.
Les détails concernant l’exposition en chapelle ardente, les funérailles et la sépulture de l’abbé Jean Moisan seront communiqués ultérieurement.

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