L’autre palette de Marcelle Ferron au Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul

Par Emelie Bernier 9:21 AM - 28 novembre 2017
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René Viau, commissaire de l’exposition Méfie-toi du blanc, mettant à l’honneur une période méconnue de l’oeuvre de Marcelle Ferron.

Avec Méfie-toi du blanc, une exposition signée René Viau, le Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul lève le voile sur un pan méconnu et haut en couleur de l’œuvre de la peintre Marcelle Ferron.
Par Émélie Bernier
Les tableaux, où dominent les couleurs vives sans le support du blanc pour s’éclater, ont été majoritairement choisis dans l’atelier de Marcelle Ferron, un trésor gardé par ses filles qui assistaient avec une émotion non contenue au vernissage dimanche. «Les tableaux, on ne les voit qu’un après l’autre. C’est la première fois qu’ ils sortent de l’atelier. De les voir comme ça, de voir comment l’exposition est construite, j’ai été agréablement surprise. C’est très émouvant, c’est comme si on voyait notre mère. Il y a une présence », résumait Diane Hamelin.
Le tableau choisi pour accueillir le visiteur donne son nom à l’exposition. Il est un élément charnière dans la carrière du peintre, selon sa fille, tout comme selon René Viau. «Souvent, Marcelle peignait, mettait de côté, retouchait, mais un jour, je vois ce tableau-là à côté de la poubelle. « Je ne l’aime pas, je veux le détruire », qu’elle me dit. Je le trouvais magnifique et elle me l’a donné! Des années plus tard, elle est venue à la maison et en voyant le tableau, elle l’a trouvé très beau. C’est un tableau de transition et je crois qu’initialement, elle ne se reconnaissait pas dedans. C’était le début d’une nouvelle période », avance Mme Hamelin, des propos corroborés par René Viau.
« On s’est servi de cette toile, Méfie-toi du blanc, où elle veut montrer que le noir est porteur de lumière. Quand elle l’a peint, elle vient de faire des vitraux pour la station de métro Champ-de-Mars. On peut penser qu’elle veut éviter de creuser encore le même sillon… Elle peut sentir que c’est le moment d’aller vers autre chose. C’est un tableau charnière. Le blanc n’est plus au service du tableau. Elle change sa manière de peindre, devient plus libre, en dehors des codes, de ses propres codes », analyse le commissaire. Diane Hamelin et sa sœur aînée ont fait la présélection des tableaux. « René Viau a fait sa propre sélection des œuvres qu’il voulait, mais on en a négocié un ou deux », rigole-t-elle.
« Dans son livre en 1964, mon père écrit sur Marcelle Ferron que sa peinture est primaire et raffinée, somptueuse et barbare. Je trouve que somptueux et barbare s’applique à la peinture des années après 73 et c‘est la première fois que quelqu’un organise une exposition pour cette période-là. Il y a des œuvres qui n’ont jamais été vues! Eh oui, c’est un accrochage peut-être un peu touffu, mais à l’image de la peinture de Marcelle Ferron, qui est opulente et généreuse! », raconte René Viau.
Marcelle Ferron est décédée le 19 novembre 2001, à 77 ans. Les descendantes de cette artiste dont le nom est intimement lié à l’histoire de l’art québécois et canadien, sont heureuses d’avoir l’occasion de faire connaître un autre aspect de son œuvre. «Elle a peint de 1947, période du Refus global, jusqu’à la toute fin. Il n’y a pas que les années 60 dans la vie de notre mère», conclut Diane Hamelin avec un regard tendre vers le tableau Méfie-toi du blanc, jadis sauvé des eaux et aujourd’hui préambule d’une exposition foisonnante où le blanc cède le pas à une émouvante polychromie.

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