Françoise Sullivan: Enfin la peinture

Par Emelie Bernier 7:44 PM - 28 novembre 2016
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Françoise Sullivan

Danse, performance, installation, photographie, sculpture, dessin: Françoise Sullivan est une touche-à-tout, mais c’est la peinture qu’elle préfère et à laquelle elle consacre la majeure partie de son temps aujourd’hui. Le Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul présente les fruits grandioses de cet amour assumé jusqu’au 4 juin.
Si on y trouve une sculpture, l’exposition est consacrée presqu’exclusivement à la peinture. « C’est ce que j’ai toujours voulu faire, même si j’ai fait des écarts », confie la dame. Malgré son âge vénérable, Françoise Sullivan a quelque chose d’une gamine. La fraîcheur, peut-être. Elle se surprend de son effet sur les gens, qui lui témoignent de l’admiration. « C’est sûrement un peu à cause de mon grand âge », rigole-t-elle. Et sans doute un peu parce qu’elle est l’une de ces rares artistes d’avant-garde qui forment le mouvement des automatistes, ces affranchis des dogmes du réalisme en peinture.
De l’époque où elle a signé le manifeste du Refus global, elle croit qu’il reste des échos, mais peu. « Le temps passe, mais je pense que c’est un héritage qui va durer, c’est dans notre histoire. Ce qui s’est passé à ce moment là, les 7 années des automatistes, était reliés à ce qui se passait à cette époque. Je suis certainement marquée par cette époque, mais comme Fernand Leduc, nous étions plus portée vers les choses plus plasticiennes qu’automatistes. Je pense que le feu de cette époque m’habite encore, mais il y a une évolution », avance Mme Sullivan.
L’exposition qui se déploie dans la salle Françoise Labbé du musée, Françoise Sullivan la rend fière. Je suis confortable dans mon atelier, j’ai de l’espace, je ne pourrais pas être mieux. « Toutes les œuvres ou presque ont été créés dans l’atelier que j’occupe aujourd’hui. Je suis confortable dans mon atelier, j’ai de l’espace, je ne pourrais pas être mieux, et je suis fière de ce corpus. J’ai été très bien accompagnée par Paul Bradley, qui en était le commissaire», salue-t-elle.
Les immenses formats laissent deviner un travail physique intense, au-delà du travail créatif. «J’aime peindre de très grands formats. Physiquement, c’est difficile, mais vous savez, c’est parce que je bouge que je suis en forme! Je n’aime pas aller au gymnase, ça m’ennuie, alors ma gymnastique est ma peinture! », confie celle qui n’a d’ailleurs pas renoncé totalement à la danse…
Françoise Sullivan n’en est pas à sa première présence à Baie-Saint-Paul, puisqu’elle a déjà participé au Symposium d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. Qu’a-t-elle à dire aux artistes de la jeune génération? « Les artiste aujourd’hui ont beaucoup plus de possibilités que dans notre temps! Il y a des bourses, des concours… Il n’y avait rien de tel! Être artiste, il faut le vouloir. Si on a une attitude tiède, ça ne vaut pas la peine… »
Sage comme une image.
Une peintre d’exception
De ce Tondo, plus ancienne oeuvre de l’exposition peinte en 1980, à la plus récente Only Yellow, l’exposition Hommage à la peinture permet un voyage dans l’univers pictural riche et enveloppant de Françoise Sullivan, une peintre à part entière.
Par Émélie Bernier
Françoise Sullivan et Paul Bradley, auteur d’exposition, ont travaillé étroitement ensemble à concevoir l’exposition, avec un parti pris pour les œuvres récentes. «J’ai suivi son travail plus étroitement à partir de la série Les jeux, réalisée entre 2013 et 2015, une exposition qu’on a monté à la salle 3 de la Galerie Simon Blais. À partir de là, je me suis dit que son travail le plus récent devait être vu. C’était mon objectif », confie-t-il.
Pour lui, Françoise Sullivan est une peintre à part entière. « La peinture est une grande passion! Il ne faut pas oublier qu’elle étudiait aux Beaux Arts au moment où elle fait la rencontre avec ceux qui allaient devenir les automatistes. Elle faisait aussi de la danse, mais elle a toujours porté cet amour de la peinture et elle n’a pas toujours pu l’exprimer, dépendant des périodes. Je pense qu’à partir des Tondos, elle a trouvé une manière de s’exprimer en peinture qui est encore pertinente aujourd’hui », ajoute M. Bradley.
Il déplore le fait que l’artiste ait été trop souvent cantonnée à la danse. «Selon moi, et elle n’a pas eu la reconnaissance qu’elle mérite dans la peinture. Ça fait 35 ans qu’elle peint! On peut appeler ça une carrière. C’est une artiste complète, complexe. Elle a contribué à ancrer l’artiste multidisciplinaire, parce qu’elle a brillé dans plusieurs disciplines », salue-t-il.
Son galeriste des 10 dernières années Simon Blais, qui a le privilège de l’accompagner depuis de nombreuses années, ne tarit pas d’éloges. «J’ai beaucoup d’admiration pour elle. On peut dire, et c’est exceptionnel, que sa peinture va de force en force, elle se bonifie. C’est extraordinaire de dire qu’à son âge (93 ans), elle est meilleure que jamais. C’est tout à fait l’opposé de ce qu’on connaît chez la plupart des grands peintres », prétend-t-il sans ambages.
Pour cette exposition, Hommage à la peinture, il a laissé les coudées franches à son collègue Paul Bradley et il est ravi du résultat. « Le travail a été fait a 85% entre Paul Bradley et Françoise. C’est spectaculaire! Tout ce qu’on voit ou presque a été peint depuis moins de 10 ans par une femme qui en a 93! C’est extraordinairement frais! C’est une artiste incontournable », conclut-il.
Un catalogue accompagne l’exposition qui pourrait voyager, bien que rien ne soit prévu à cet effet jusqu’à présent.

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