Dossier FK, la suite-L'histoire d'Anne

Par Emelie Bernier 1:05 PM - 7 juin 2017
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Anne Savard

Anne Savard vit avec la fibrose kystique depuis toujours. En 45 ans, elle a vécu son lot de moments difficiles, mais aussi de grands bonheurs qui lui font aimer la vie avec plus d’intensité que la moyenne des ours…
Par Émélie Bernier
Anne Savard en convient, la maladie lui donne parfois du fil à retordre. «Il y a des périodes où je suis en forme et où je peux faire n’importe quoi, mais il y a des périodes où ca va moins bien. Dans ces moments-là, quand je suis en surinfection pulmonaire par exemple, tout est mis en suspens! C’est un peu comme si tu viens mettre un chocolat sur le bout de ma langue et que tu me l’enlèves. J’ai goûté à la liberté et je n’y ai plus accès! Ça, c’est pénible… », illustre-t-elle.
Après un épisode difficile, le retour à la réalité peut être pénible. «Quand je reviens à la vie normale, au travail par exemple, je suis en post trauma comme si je revenais de la guerre! La vie normale n’a plus de sens, car c’est comme ci l’anormalité était devenue la normalité…. La transition entre les deux est difficile, d’un bord comme de l’autre.»
Travailleuse sociale, Anne ne cultive aucun tabou quant à l’aide qui lui est nécessaire. « Je prends un antidépresseur depuis des années. Je prends un anxiolytique aussi, par période. Étant travailleuse en santé mentale, je n’ai aucun problème à dire que je consulte, que je vais chercher de l’aide », explique-t-elle.
Vivre avec une maladie comme la fibrose kystique implique un part de déni, selon elle.
« On ne peut pas être toujours dans la peur de la maladie, de la mort, car c’est très anxiogène. Ma tolérance à la souffrance est élevée, mais avec les années, mon anxiété augmente par rapport à des choses banales », explique-t-elle.
Si la FK fait partie de sa vie, Anne Savard affirme qu’elle n’est pas toute sa vie, loin de là! Elle lui impose cependant certains choix. «Je ne me définis pas par la maladie… Je ne veux pas que ce soit ça et ça ne le sera jamais. J’ai manqué presqu’un an de travail parce que j’étais malade et on m’a même proposé l’invalidité, mais je n’étais pas rendue là. J’adore ma « job » et elle me le rend bien. Mais j’ai pris conscience de certaines choses », poursuit-elle.
Anne Savard a notamment modifié sa façon de travailler. « Je travaille 3 jours. Je ne me déplace plus à cause de la contamination», illustre-t-elle. D’ailleurs, elle avoue avoir développé un toc sur la contamination en lien avec sa maladie. «Je me suis fait soignée par rapport à ça, car c’était devenu complètement obsessif », admet-elle. La bouteille de désinfectant n’est toutefois jamais bien loin. Il faut dire que pour les personnes fibro-kystiques, un simple rhume peut devenir une descente aux enfers. Éviter ces infections est le b-a, ba pour éviter une dégradation de l’état général.
Elle fait beaucoup de sport pour maintenir et même développer sa capacité pulmonaire. Récemment, elle a même commencé à cotiser à un régime de retraite! « Je n’avais jamais pensé à ça », dit-elle. Elle a aussi récemment fait son testament. « Je l’ai fait signer à des amis. C’était triste. C’est certain qu’il y a une grosse part d’inconnu. Régulièrement, je dois m’ancrer. Il y a des moments de peine où j’ai plus tendance à l’isolement. J’ai de la chance parce que dans mon milieu, ce sont tous des gens qui travaillent en relations humaines. C’est facile d’arrêter de pleurer dans un bureau au CLSC. Reste que dans la maladie, tu as des traversées du désert. Même bien entourée, tu es seule », confie-t-elle.
Sa fille Marie est une excellente motivation à prendre soin d’elle et à se battre. «Ma fille me voit me soigner depuis toujours! Ça fait partie de la vie. Il n’y a pas de cachette entre nous. Elle vient avec moi a des rendez vous a l’hôpital, elle m’aide beaucoup. Elle sait que c’est une maladie mortelle, car on en parle. Elle va venir voir quand je tousse… », explique Anne, riant avec beaucoup d’autodérision de sa « toux de tuberculeuse » qu’elle avoue détester.
Dans 7 ans, Anne Savard pourrait dépasser une nouvelle fois l’âge médian de survie qui est présentement de 52 ans. «En 2009, quand je l’ai dépassé (il était alors de 37 ans), je suis allée à Paris pour fêter ça. Quand je vais le dépasser de nouveau, car j’en ai bien l’intention, je fais faire une autre belle folie! »
Anne Savard choisit consciemment de se connecter sur la vie. « La maladie a fait de moi une personne intense. J’ai une propension au bonheur. J’aime écouter de la musique, marcher avec mon chien, faire du vélo de route, manger, prendre un verre… Et je fais des projets, car c’est le carburant de l’espoir. Tout a une saveur différente et je m’en rends compte quand je vois les gens autour de moi qui ont parfois de la misère à être heureux… Je ne suis pas meilleure qu’un autre, mais j’ai choisi de faire ma vie une fête!»

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