Chronique d'une dérive collective

Par Emelie Bernier 9:58 PM - 24 mai 2017
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Je ne tombe pas des nues. J’avais cette impression, fugace, mais tenace, que l’écoeurite aigue était épidémique, voire endémique. Les réactions, nombreuses, complices, à cette chronique style « confession d’une épuisée » d’il y a quelques semaines n’ont fait que la confirmer.
Amis à bout, nous sommes à la fois seuls et ensemble dans ce combat contre un monstre dont les contours nous échappent, mais qui nous happe un par un, nous écrase, nous piétine impunément jusqu’à l’aplatissement. Hey, ho! Faut pas se laisser faire, là!
Les statistiques ne mentent pas. Une personne sur trois en a plein son casque. Qu’est ce que ça veut dire?
Non seulement que de plus en plus de vaillants petits soldats tombent au combat, mais que le monstre menace la société elle-même, l’amputant allègrement de ses forces vives pour des semaines, des mois, voire des années.
La faute à qui? À quoi?
Ça fait un bail ou deux que la conciliation travail-famille fait la manchette, mais au-delà des vœux pieux, est-ce qu’on a vraiment progressé en ce sens? Entre les objectifs de performance des entreprises et les impondérables familiaux, il y a un fossé où on s’embourbe souvent. Difficile d’être à son top partout, disons. Famille, travail, loisirs, besoins de base, responsabilités, saines habitudes de vie, tutti quanti: toutes ces sphères se chevauchent et l’être humain est pris au cœur de ce diagramme de Venn existentiel et étourdissant.
Qu’est ce qui cloche? On ne fait pas les bons choix? On ne connaît pas nos limites ou on ne sait pas comment les imposer?
Un peu tout ça…
Il existe des solutions, à mettre en place dès maintenant. Si on lit les conseils des experts, qui ont le chic pour énoncer des évidences en se donnant l’air intelligent, « réduire — voire éliminer — les sources de stress chronique serait la meilleure façon de prévenir l’épuisement professionnel. » Non, sans blague?
Ça semble aller de soi, mais disons que la première étape est d’identifier les causes dudit stress et d’apprendre à en reconnaître les symptômes. Inutile de penser que ça va se régler en un tour de manivelle magique… mais de mettre des mots sur son mal est déjà un bon début. Comment intervenir? Au boulot, il y a ce mot merveilleux et trop peu utilisé : déléguer. À l’impossible, nul n’est tenu. Quand la charge est trop lourde, et c’est visiblement le cas pour tant d’entre nous, il faut trouver des façons de la morceler, de la partager… sans toutefois alourdir le fardeau du voisin qui croule peut-être lui aussi déjà sous le poids de ses responsabilités… C’est là que ça devient délicat. Mais vous ne devriez pas vous empêcher de mettre votre poing sur la table pour ça. Faites le collectivement si vous le pouvez!
Partout, on coupe en sauvage et la tâche demeure minimalement la même, si elle ne croît pas elle aussi à la source.
Il faut apprendre à déléguer, mais surtout à dire « basta » ! Quand c’est trop, c’est trop, et il n’y a pas un « burnouté » qui ne l’a pas appris à ses dépens. Mettre ses limites est un exercice périlleux et salutaire.
Savoir décrocher. « Puncher ». Inspirer. Expirer. Se donner le droit de ne rien faire.
Laisser le stress sur le paillasson avant de rentrer dans la maison.
Le nid familial devrait être un havre.
Cet endroit où le bonheur devrait être la seule et unique priorité. Bien avant la propreté du plancher, le linge plié, la vaisselle astiquée et tous ces corollaires d’une vie trop rangée, d’un idéal aussi exténuant qu’inaccessible.
Amis, nous sommes à la fois seuls et ensemble dans cette périlleuse démarche qu’est la recherche de l’équilibre. Mais il n’en tient qu’à nous de choisir le bonheur. Et de dire au monstre de se faire voir ailleurs. Devant la force du nombre, parions qu’il prendra ses jambes à son cou!

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