Être prof

Par Emelie Bernier 10 novembre 2015
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Être prof, ce n’est pas une vocation, c’est un travail. Un travail exigeant. Un travail qui implique une part de vocation, de dévotion même, mais un travail quand même. Ce n’est pas comme entrer dans les ordres et abdiquer tous ses droits, ses désirs et le tralala.

Être prof, c’est dédier sa vie professionnelle à la plus noble des causes : l’éducation des enfants – lire : l’éducation des citoyens, des décideurs, des ministres, des agriculteurs, des maires, des chefs d’entreprises, des enseignants de demain. Ce n’est pas une « job » qu’on peut « botcher » ou faire les doigts dans le nez ou les deux pieds dans la même bottine.  Ce n’est pas une « job » où on peut arriver les yeux encore collés après une nuit sur la corde à linge… C’est une « job » où le client est exigeant, avide et parfois difficile à gérer. En fait, ce n’est pas une «  job » où on a un client, mais plutôt 15, 20, 25, 30 clients. Avec des besoins différents. Tous en même temps. Parfois turbulents. Parfois las. Parfois le ventre vide. Parfois la tête et le cœur chavirés, car ces clients sont des humains, qui plus est, des enfants. Ils ont une vie en dehors de l’école. Un tempérament, certes, mais aussi une réalité qui échappe parfois à l’enseignant, que celui-ci ne peut que deviner pour tenter d’en sabler les aspérités. Le travail de l’enseignant n’est pas que d’enseigner. Ce serait beaucoup trop facile.

L’enseignant doit capter l’attention de ses « clients », mais aussi la garder, la combler! L’enseignant doit amener ses « clients » à se dépasser, mais aussi à collaborer entre eux, à s’exprimer clairement, à rester assis quand c’est le moment, à écouter quand l’autre parle, à respecter en général les règles, les autres, les biens, à se respecter… À grandir en sagesse et en beauté intérieure.

L’enseignant n’a pas trop le droit à l’erreur. Il n’a pas non plus le droit de dire : « Toi, ça ne me tente pas de t’avoir dans ma classe ». Et ce, même si le « toi » en question est une terreur, un trouble-fête, un trublion qui sabote le fragile équilibre de la classe. L’enseignant doit être là pour tous, équitablement. Sauf que tout le monde sait que ce n’est pas possible quand un des « clients » tire la couverte de l’attention de son bord sans cesse.

Ça prend du support. Des ressources compétentes qui savent comment rétablir l’équilibre en aidant l’enfant qui brasse la cage à rester sur le fil. Et ces ressources, elles existent. Il faut seulement qu’elles soient là quand le besoin s’en fait sentir.

Les enseignants ne sont pas des travailleurs comme les autres. Ils ne « punchent » pas le soir en faisant un vacuum dans leur tête. Ils doivent penser à préparer leurs cours, corriger les épreuves, contribuer au plan d’intervention de tel ou tel enfant qui vit des défis. Le tout en restant motivés, « pépés », et gentiment autoritaires.

L’an dernier, une étude de l’Université du Québec à Trois-Rivières en venait à la conclusion que 22 % des enseignants du primaire et du secondaire sont épuisés. 31 % ont plutôt un niveau moyen d’épuisement. (Mémoire de maîtrise réalisé par Pascal Doyon, sous la direction du professeur Ghyslain Parent). Parmi les constats du mémoire, on peut lire que plus les enseignants ont un faible sentiment d’auto-efficacité, plus leur degré d’épuisement est élevé. « Le degré de performance, les succès antérieurs, l’encouragement reçu des supérieurs, le “feedback” positif des pairs et la réussite auprès des élèves » sont des composantes de l’auto-efficacité. Les enseignants sondés manquent en grande majorité de temps pour accomplir leurs tâches et les ressources qui pourraient les aider sont insuffisantes.

Et ce ne sont pas deux mois de vacances en été qui changent cette donne.

Alors, oui, la grève est un emmerdement. Oui, ça exige de nous, parents, des contorsions d’horaire, des congés sans solde, de la gymnastique compliquée et perturbante.

Mais comme parents, notre souci premier est notre enfant. Et l’enseignement qu’il reçoit, un corollaire éminemment important. Soyons solidaires.

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