L’été au MAC BSP

Par Emelie Bernier 20 juin 2016
Temps de lecture :
Jean-Marie del Moral

Emelie Bernier

Deux grandes expositions s’installent jusqu’au 18 novembre entre les murs du Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. D’un côté, des œuvres choisies dans les voûtes et les intérieurs de grands collectionneurs privés heureux de partager leur passion. De l’autre, une carte postale multimédias d’une époque foisonnante, celle des surréalistes réunis autour du sculpteur espagnol Appel.les Fenosa et de son ami et mécène Picasso.

Dans l’intimité des collectionneurs

Avec Les Grands Collectionneurs III, Oser voir autrement, le Musée d’art contemporain reprend une formule éprouvée, soit la présentation d’œuvres appartenant à des Québécois passionnés d’arts visuels. Cette fois, le corpus fraie dans la contemporanéité, réunissant une cinquantaine d’œuvres produites entre 1943 et 2014.

Une oeuvre de Paryse Martin

Patricia Aubé, commissaire, explique le parti pris qui a guidé ses choix. «J’ai choisi le titre Oser voir autrement, parce que je voulais prendre des œuvres audacieuses, des œuvres qui, à leur époque, ont dérangé. On a donc des artistes comme Borduas, Lemoyne, Riopelle,  et des artistes plus contemporains comme BGL, Paryse Martin… Oser voir autrement, c’était aussi par rapport aux collectionneurs qui ont osé acheter des œuvres de ces artistes-là qui sont un peu hors du commun », explique la commissaire.

Marc Bellemare devant un paravent signé Riopelle et un tableau de Betty Goodwin tirés de sa collection personnelle.

Marc Bellemarre et Gilles Charest sont deux de ces hardis collectionneurs pour qui l’acquisition d’œuvres d’art, de leur propre aveu,  est presque une drogue.

«Je collectionne beaucoup les années 40 à 80, les plasticiens, les automatistes, Ça été une période charnière au Québec. Ces artistes là sont des révolutionnaires! Borduas, Riopelle, ils ont amené le Québec vers la modernité à travers l’art. Et ce n’était pas que des artistes, c’était des militants, des agitateurs, des polémistes », explique M. Bellemare, dont les choix esthétiques ont un écho politique manifeste. ««Pour moi, un artiste est un agent de changement  et pour être artiste au Québec, il ne faut pas avoir peur de déranger. Françoise Sullivan, Marcelle Barbeau, Riopelle, Betty Goodwin, je les ai connus et ils avaient une très forte personnalité.  Ce sont des gens qui ont traversé beaucoup d’épreuves, ont été reconnus tardivement, pour la plupart, et qui ont dérangé beaucoup pour amener le Québec là où il est. Borduas, dans son domaine, c’est un pilier de la société québécoise.  Pour moi c’était plus qu’un artiste, un visionnaire, une inspiration pour le Québec tout entier et pour moi », ajoute-t-il.

Gilles Charest devant quelques-unes de ses oeuvres chouchous.

Le galeriste Gilles Charest est un collectionneur invétéré. «J’ai collectionné  les timbres, les cartes de hockey, de baseball, et j’en suis aux tableaux. Je suis un drogué! », lance-t-il en riant. Il se sent cependant investi d’une double mission. « J’ai une passion pas seulement d’acheter des œuvres et de contribuer à ce milieu, mais aussi essayer d’intéresser les gens à s’intéresser à la bonne peinture. Pas la peinture de décoration, comme beaucoup de gens cherchent, ce qui est malheureux. Si quelqu’un vous donne un Picasso, vous ferez votre décoration en fonction du Picasso, pas le contraire! Le plaisir d’une œuvre d’art, c’est l’émotion que ça apporte », n’hésite-t-il pas à dire. Au final, 14 de ses générateurs d’émotion prennent un bain de lumière dans la salle Françoise-Labbé . «C’est un peu particulier. Des collectionneurs soumettaient des œuvres, j’en ai soumis plusieurs et ils en ont retenu 14. C’est un hasard, il n’y a pas de parti pris », s’empresse-t-il d’ajouter.

Il confie que plusieurs des œuvres de ses compatriotes collectionneurs lui font envie. «L’exposition est exceptionnelle et, oui,  il y en a dont je suis jaloux… confie-t-il avec un sourire.

Il souhaite que les gens qui visiteront l’exposition apprennent à regarder la peinture d’un autre œil. «On a du travail particulièrement en lien avec la peinture abstraite. Les gens ne comprennent pas toujours le cheminement du peintre. De partager nos coups de cœur, dont nous sommes fiers, je pense que ça participe à ouvrir les esprits », conclut-il.

Le “skate” de BGL

Martin Labrie, lié depuis plusieurs années à l’institution à titre de commissaire, a agit à titre de consultant. Outre les artistes sus-mentionnés, l’exposition contient des œuvres de Jacques Hurtubise, René Derouin,, Rita Letendre, Jean McEwen,  Guido Molinari, Betty Goodwin et Fernand Leduc, notamment. Une quinzaine de collectionneurs ont contribué au corpus en prêtant leurs œuvres.

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