50 ans de présence à Saint-Joseph-de-la-Rive pour l’abbé Jean Moisan: Un village et son curé

Par Emelie Bernier 2:10 PM - 25 septembre 2017
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Arrivé à St-Joseph de la Rive pour un court mandat il y a 50 ans, l’abbé Jean Moisan n’en est jamais reparti. Aujourd’hui, il n’hésite pas à qualifier de belle famille d’indisciplinés ses paroissiens avec qui il partage, de son propre aveu, une belle dose de folie.
Il faut dire que le « curé Moisan » n’est pas un curé ordinaire. Tous ceux qui l’ont rencontré, et ils sont légion, vous le diront, même si le principal intéressé cultive l’humilité. «À l’époque, j’avais failli partir, mais les paroissiens et les villégiateurs ont signé une pétition pour m’avoir comme curé (…). J’ai été installé comme curé le 24 septembre 1967, un dimanche par le curé de Baie St-Paul, l’abbé Alfred Bergeron. (…)Dès le début j’ai constaté que les gens de la paroisse étaient indisciplinés comme leur nouveau curé », a raconté Jean Moisan dimanche dernier lors d’un événement spécial fort en émotions qui lui avait été préparé par ses paroissiens.
Premier curé à rythmer ses messes avec sa guitare, il a marqué des générations d’adolescents avec ses fameuses messes heavy metal dans les polyvalentes de la région (il a travaillé 34 ans dans les écoles). Il faut dire que le curé est un mélomane aguerri dont les intérêts musicaux ne se sont jamais cantonné au liturgique! Il anime d’ailleurs depuis 19 ans une émission de radio sur les ondes de CIHO. Il est d’ailleurs un des premiers Charlevoisiens à avoir possédé le premier Apple à Québec, en 1979, qu’il programmait lui-même. Il navigue quotidiennement sur internet!

Edouard Tremblay, un fils du village devenu adulte, a présenté un touchant hommage à « son » curé, à la fois son ami, son guide et son modèle, selon ses mots. «Je n’ai pas peur de le dire : si je ne l’avais pas eu, je ne serais peut-être pas là aujourd’hui », a confié le jeune homme. Dans un discours empreint d’émotion (à lire sur notre site internet), il a invité ses confrères et consœurs à suivre l’exemple de cet homme d’exception. « (…) Il faut tout simplement que nous devenions à notre tour des Jean Moisan. En effet, regardez un instant le monde actuel, sa charge de haine, d’intolérance, de bêtises et de misère. Ce monde n’a-t-il pas, à notre instar, désespérément besoin de Jean Moisan ? N’a-t-il pas désespérément besoin de cette joie et de cet amour dont il est si prodigue ? »
À 89 ans, Jean Moisan aime comme au premier jour Saint-Joseph-de-la-Rive et ses habitants. « Se ramasser ici à l’époque, c’était se ramasser au ciel. Une maison sur le bord de la mer, ça vaut cher et elle est à moi pour rien! », lance-t-il avec un de ses éclats de rire si distinctifs.
L’heure de la retraite n’a pas encore sonné, même s’il confie avoir ralenti le rythme. « Tant que je vais être capable, je vais continuer, mais j’en fais moins qu’avant. Je ne fais plus de messe la semaine, parce que ça me prend la chorale pour m’assoir de temps en temps », explique l’homme de foi. Il est heureux de voir son église pleine tous les dimanches. « C’est petit, alors c’est commode! Ça a toujours l’air plein. Les grandes églises ont un peu de monde, mais ça ne paraît pas », constate-t-il. Tristes, les églises vides? « Nous, on fait ce qu’on peut! On ne peut plus obliger le monde, ce n’est pas possible, c’est à lui en haut de faire sa job. Je suis pour la liberté », résume-t-il avec son franc-parler légendaire. Très progressiste, il avoue s’être parfois fait taper sur les doigts par son diocèse… «Ça a toujours été à ma manière, je ne suis pas capable de faire autrement. J’ai jamais changé. Je suis un indiscipliné et ici, tout le monde est indiscipliné, alors je n’ai pas eu besoin de changer», lance-t-il l’œil brillant.
Devant les dérives du monde, il demeure optimiste. «Des cataclysmes, des problèmes, il y en a toujours eu. Le monde finit toujours par s’en sortir. Des fois c’est dur, c’est long, des fois c’est moins dur…Il faut être là, c’est notre monde. Mais on est chanceux d’être ici, c’est la plus grande chance qui a pas », confie Jean Moisan, fidèle a juré fidélité à sa communauté. « C’est ma gang, depuis 50 ans et jusqu’au bout. Je les aime à la folie. On est tous fous, on va bien ensemble », conclut-il, de l’émotion dans la voix.
Photos: de nombreux paroissiens sont venus signifier leur affection à leur curé en partageant un vin d’honneur et un repas avec lui.

Hommage d’Édouard Tremblay, paroissien.

Aujourd’hui, sera la troisième fois que j’ai le plaisir et l’honneur de me tenir ici devant vous et de me faire ainsi le porte-parole de notre affection et de notre admiration pour l’abbé Jean Moisan. Vous comprendrez donc, j’en suis sûr, qu’il m’a fallu réfléchir longuement sur ce que serait mon propos.
À quoi bon les redites et les vaines répétitions afin d’évoquer des mérites que nous connaissons déjà ? Surtout, ceux d’un homme qui s’est toujours fait un point d’honneur de ne pas avoir à se répéter…
Puis, au terme de ces réflexions, une réalisation aussi inattendue qu’implacable m’a prise de court, me menant à la constatation finale de mon grand égoïsme par-devers Jean Moisan. Mais ne me jugez pas, car je ne suis pas le seul, vous tous mes amis, gens des Éboulements, de Charlevoix et d’ailleurs, sans le vouloir, vous êtes montré tout aussi égoïstes! Et vous savez pourquoi? Parce que, durant un demi-siècle, nous l’avons gardé juste pour nous. Comme un bien trop précieux, comme un trésor trop inestimable, nous avons refusé de le partager… Ou si peu…
Oh je sais bien : en regard de la chance exceptionnelle que nous avons eue, qui oserait nous reprocher d’avoir agi de la sorte ? Qui n’aurait pas voulu avoir auprès de lui un homme tel l’abbé Moisan et bénéficier de son enseignement, de son accueil, de ses conseils et de sa bonne humeur proverbiale ? Nous nous sommes prévalus du meilleur, puisque nous en avions la chance, mais cela n’atténue qu’en partie notre culpabilité.
Rassurez-vous cependant, chers amis : il reste encore pour nous une parcelle d’espoir, une manière de palier à notre manquement. Une manière de prouver que la générosité et la sagesse de notre légendaire Abbé n’est pas tombée dans l’oreille de sourds.
Pour ce faire, il faut tout simplement que nous devenions à notre tour des Jean Moisan. En effet, regardez un instant le monde actuel, sa charge de haine, d’intolérance, de bêtises et de misère. Ce monde n’a-t-il pas, à notre instar, désespérément besoin de Jean Moisan ? N’a-t-il pas désespérément besoin de cette joie et de cet amour dont il est si prodigue ?
Or, vous le savez comme moi, un homme – fusse-t-il un Jean Moisan – ne pourrait prendre à lui seul le poids de tout un monde. Cependant, le vrai messager de Dieu sait, tel le Christ, que planter le bon grain dans une terre fertile nous en fait récolter les fruits. Ainsi, nous qui sommes les fruits des enseignements et de la dévotion constante de notre pasteur, notre guide, il nous appartient d’ajouter nos mains à la sienne, brandissant depuis 50 ans le flambeau de la foi et de la charité. Il nous appartient d’en porter la lumière à ceux qui vivent dans le noir. Il est de notre devoir de rendre au centuple ce que l’abbé Moisan nous a donné et de devenir, comme Jésus le disait à Pierre : « des pêcheurs d’hommes ».
Comme l’Abbé Moisan l’est, tâchons d’être aimants et généreux l’un envers l’autre…
Comme l’Abbé Moisan le fait, tâchons de tendre la main en tout altruisme…
Ainsi notre monde deviendra meilleur.
La tâche est ardue, je le sais; n’est pas Jean Moisan qui veut ! Toutefois, s’il est une personne à qui nous le devons, à qui nous nous devons, c’est à mon ami, mon guide et mon modèle, l’abbé Jean Moisan.
Jean, merci un million de fois pour ce demi-siècle d’engagement et de présence à St-Joseph-de-la Rive. Par ta présence ici, ce temple est devenu au fil des ans un havre de paix, un lieu accueillant où l’on se sent bien et en sécurité avec son gardien et c’est tout à ton honneur !
Puissions-nous te montrer, pour maintes et maintes années encore, l’ampleur de la flamme que tu as allumée en chacun de nous.
À tous merci!

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